Consultation publique sur la trajectoire de réchauffement de référence : une occasion d’agir pour le bien-être des animaux d’élevage

Dans le cadre de la conception du prochain Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACCC-3), le Gouvernement a lancé le 23 mai dernier une consultation publique sur la trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique. L’association Welfarm vous propose d’y répondre, afin d’inciter les responsables politiques à prendre en compte le bien-être des animaux d’élevage dans une France à + 4 °C.

© studiostoks

Cette année, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, a fait plusieurs annonces sur la nécessité de préparer la France à un scénario de + 4 °C de réchauffement en 2100. Dans ce cadre, le Gouvernement a lancé une consultation publique sur la trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique (TRACC).

Ouverte à tous, cette consultation à lieu du 23 mai et jusqu’à la mi-septembre. Les contributions seront utilisées pour concevoir le Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACCC-3), qui sera présenté d’ici à la fin de l’année. C’est une occasion unique de se mobiliser pour que le bien-être des animaux d’élevage ne soit pas oublié dans le PNACC-3.

Pourquoi répondre à la consultation publique sur la TRACC

Par sa campagne « Chaud Dedans », l’association Welfarm entend protéger les animaux d’élevage, terrestres et aquatiques, de l’impact des vagues chaleurs, qui vont devenir de plus en plus précoces, fréquentes et intenses sous l’effet du changement climatique. 

Son objectif est de demander au Gouvernement d’interdire les transports d’animaux par fortes chaleurs et d’accélérer la transition vers des modèles d’élevage plus respectueux du bien-être des animaux, plus résilients aux effets du réchauffement climatique, et à même de minimiser le plus possible les souffrances des animaux lors des vagues de chaleur.

Welfarm soutient en priorité les trois mesures suivantes :

  • la réduction des densités (ce qui implique donc plus d’espace par animal dans les bâtiments et dans les bassins d’élevage) ;
  • l’accès au plein air, avec un parcours extérieur aménagé et ombragé pour les animaux terrestres, et à des bassins aménagés et dotés de zones d’ombre pour les poissons ;
  • l’interdiction des transports d’animaux organisés par fortes chaleurs et des exportations d’animaux vivants vers les pays tiers de l’Union européenne.

Pour porter ces mesures, l’association Welfarm souhaite que le bien-être des animaux d’élevage soit pris en compte dans le PNACC-3, et en particulier dans le plan de gestion des vagues de chaleur.

En répondant à la consultation publique sur la TRACC, vous pouvez agir pour mettre le bien-être des animaux de ferme au cœur du PNACC-3.

Cette consultation est composée de trois questions à propos de la politique de la France en matière d’adaptation au changement climatique. Vos réponses sont à envoyer par e-mail avant la mi-septembre sur l’adresse suivante : trajectoire-adaptation@ecologie.gouv.fr

Pour vous faciliter la tâche, Welfarm vous propose différentes réponses pour chacune des questions. Vous pouvez les copier/coller puis les envoyer par e-mail à l’adresse indiquée, ou vous en inspirer pour construire vos propres réponses. Nous vous conseillons de privilégier cette seconde option afin de rendre votre contribution unique et favoriser les chances qu’elle soit ainsi examinée individuellement.

Question 1 : La France doit-elle se doter d’une trajectoire de réchauffement de référence d’ici la fin du siècle pour pouvoir s’adapter, tout en poursuivant la réduction de ses émissions de gaz à effet de serre en ligne avec les objectifs de l’accord de Paris ?

Proposition 1 : La France doit se doter d’une trajectoire de réchauffement de référence d’ici la fin du siècle, l’adaptation aux effets du changement climatique étant devenue incontournable. La manifestation des effets du changement climatique est en effet déjà visible en France, en particulier lors de la période estivale, et elle va continuer à s’amplifier. D’après Météo France, si l’année 2022 a été la plus chaude jamais enregistrée, elle serait en 2050 considérée comme une année dans les normes. Quel que soit le scénario d’émission de gaz à effet de serre envisagé, la fréquence des épisodes de canicule devrait doubler d’ici à 2050. Les canicules seront aussi plus longues et intenses, avec une période d’occurrence étendue de la fin mai au début du mois d’octobre. Sensible à la cause animale, je tiens à souligner que ces canicules ont des effets néfastes non seulement sur les personnes, mais aussi sur les animaux d’élevage. Un rapport du Conseil général de l’Alimentation, de l’Agriculture et des Espaces ruraux (CGAAER), publié en décembre 2020, à la suite des épisodes caniculaires de 2019 et 2020, avait relevé une surmortalité de l’ordre de 40 % dans les élevages industriels de porc et volailles. Les experts ayant participé à la publication de ce rapport ont notamment proposé de réduire préventivement les densités dans les élevages, pour éviter les étouffements. Il apparaît ainsi nécessaire d’adopter une trajectoire de réchauffement pour identifier les vulnérabilités et faire évoluer en conséquence les conditions d’élevage des animaux, afin de limiter autant que possible les souffrances et mortalités liées aux vagues de chaleur.

Proposition 2 : Il est aujourd’hui nécessaire de s’adapter, et il serait vain d’opposer atténuation du changement climatique et adaptation à ses effets. Dans un rapport d’information du Sénat (rapport n° 511) daté de 2019 et intitulé « Adapter la France aux dérèglements climatiques à l’horizon 2050 : urgence déclarée », il est écrit à la page 3 que l’opposition entre les politiques d’atténuation et d’adaptation ne fait plus de sens et il est précisé que « l’adaptation pourrait même devenir un accélérateur des politiques d’atténuation, car une partie des solutions d’adaptation contribue à la réduction des émissions, comme la rénovation thermique ou l’agroécologie ». Ainsi, plusieurs scénarios de transition vers une agriculture durable, comme le scénario TYFA de l’Institut du développement durable et des relations internationales et Afterres2050 de l’association Solagro, parient sur une généralisation de l’agroécologie pour 2050, qui repose notamment sur le redéploiement de prairies et d’infrastructures paysagères (haies, arbres…) pour répondre au défi de l’adaptation au changement climatique, tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre et en préservant la biodiversité et le bien-être animal. Plus particulièrement dans le cadre de l’élevage, il apparaît nécessaire de planifier d’ici à 2050 un accès au plein air pour les animaux et de pousser au redéploiement des prairies, tout en aménageant les parcours extérieurs pour offrir des zones d’ombrage aux animaux, en priorité par des arbres et des haies.

Proposition 3 : L’adaptation aux effets du changement climatique apparaît aujourd’hui comme essentielle. Particulièrement sensible à la cause animale, je regrette que des activités comme les transports d’animaux se poursuivent en dépit des vagues de chaleur. Alors que celles-ci vont devenir de plus en plus fréquentes, précoces et intenses en raison du changement climatique, il semble essentiel de repenser la conduite des activités économiques lors des canicules et de définir un cadre réglementaire véritablement protecteur. L’arrêté du 22 juillet 2019 restreignant le transport routier d’animaux vertébrés terrestres vivants durant les épisodes caniculaires prévoit l’interdiction du transport d’animaux entre 13 et 18 heures durant les épisodes caniculaires classés orange ou rouge par Météo France la veille du départ. Cet encadrement est toutefois obsolète au vu des dernières connaissances scientifiques, l’Autorité européenne de sécurité des aliments ayant relevé dans un avis scientifique, publié en septembre 2022, que la plupart des espèces animales domestiquées souffrent dans les transports à partir de 25 °C. Il est en outre insuffisamment appliqué, comme le montrent les travaux d’enquête de l’association Welfarm qui a relevé, grâce à son application Truck Alert, 437 signalements de véhicules circulants avec des animaux d’élevage par plus de 30 °C depuis 2020. Il faut donc se doter d’une trajectoire de réchauffement avec pour objectif d’identifier les vulnérabilités et de prévoir les modifications réglementaires à mettre en œuvre pour encadrer les activités à risque.

Question 2 : Que pensez-vous d’une trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation de la France (TRACC) dont les niveaux de réchauffement de référence seraient : + 2 °C en 2030, + 2,7 °C en 2050 et + 4 °C en 2100 (France métropolitaine) ?

Proposition 1 : L’adoption d’un référentiel commun est absolument nécessaire pour la conception et la mise en œuvre des politiques d’adaptation au changement climatique. Toutefois, qualifié de pessimiste dans les documents accompagnant cette consultation, le scénario le SSP 2-4.5 du Giec d’un réchauffement de + 4 °C en France en 2100 est en réalité un scénario de réchauffement intermédiaire, où les émissions de gaz à effet de serre se maintiennent au même niveau qu’aujourd’hui. Or, les émissions peuvent continuer d’augmenter, les processus du réchauffement climatique s’emballer, etc. Une véritable gestion des risques consisterait donc à considérer des scénarios pires que celui tendanciel, afin de se préparer à toutes les éventualités. Cet enjeu est d’autant plus crucial pour les activités économiques d’élevage et de transport des animaux, qui impliquent des êtres sensibles et susceptibles de gravement souffrir des épisodes de vague de chaleur.

Proposition 2 : Il est essentiel de préparer la France métropolitaine à un niveau réchauffement de + 4 °C d’ici la fin du siècle. Néanmoins, pour s’adapter aux effets du changement climatique il est nécessaire de prendre en compte la saisonnalité, comme le précisait déjà la Stratégie Nationale d’Adaptation publiée en 2006. Pour une trajectoire moyenne de réchauffement à + 4 °C en France en 2100, les étés atteindraient en moyenne + 5,2 °C, avec des extrêmes atteignant les + 7 à + 9 °C, selon les travaux du climatologue Christophe Cassou. Dans ce cas-ci, il serait possible de dépasser les 50 °C lors des pics de chaleur les plus forts. L’adaptation des activités économiques ne doit donc pas seulement se baser sur une moyenne mais intégrer les phénomènes les plus extrêmes pour être réellement efficaces. Par exemple, dans le cadre de l’élevage, il est nécessaire de planifier une réduction des densités d’animaux dans les bâtiments, non pas en fonction d’une moyenne à + 4 °C, mais en fonction des pics de chaleur les plus forts, pour éviter les importantes surmortalités et répondre aux attentes en matière de bien-être animal.

Proposition 3 : La préparation à un niveau réchauffement de + 4 °C est aujourd’hui une obligation et une question de responsabilité. S’adapter à + 4 °C ne doit néanmoins pas amener à négliger la question de l’atténuation, puisque la réussite de l’adaptation et notre résilience face aux chocs en dépendent directement. Il est ainsi nécessaire de prévoir des transformations structurelles, qui permettent de diminuer les émissions de gaz à effet de serre et de faire face de manière optimale aux effets du changement climatique, tout en répondant aux autres défis de société. Dans le domaine agricole et alimentaire, il s’agirait de mettre en œuvre des cercles vertueux en privilégiant des solutions basées sur une modification des pratiques en faveur de l’accès des animaux à l’extérieur et notamment aux prairies, tout en développant les infrastructures paysagères (haies, arbres…) et une évolution des habitudes alimentaires vers le « moins et mieux » de produits animaux et à une réduction des densités dans les élevages. Ainsi, si un scénario de réchauffement à + 4 °C permet de fixer un cap, la prochaine politique en matière d’adaptation au changement climatique doit être l’occasion pour les parties prenantes de se saisir pleinement de ces enjeux de transformation des modes d’élevage.

Question 3 : Quels outils et quel accompagnement technique et financier devraient être mis à la disposition des collectivités, des acteurs économiques et du public pour qu’ils puissent prendre en compte les impacts envisagés dans le futur du réchauffement climatique ?

Proposition 1 : Pour une prise en compte optimale des impacts du changement climatique, les campagnes de communication et des plans de filière sont nécessaires. Toutefois, à l’aune des conséquences d’un réchauffement à + 4 °C, la responsabilisation individuelle et les efforts des filières professionnelles ne peuvent se substituer à une planification par l’État de la réorganisation et de la transformation profonde et structurelle des activités économiques. Il est donc nécessaire d’identifier les vulnérabilités puis de faire évoluer en fonction les réglementations pour qu’elles prennent en compte les nouvelles réalités climatiques. Ceci ne s’applique pas seulement aux réglementations techniques à composante climatique comme l’avance le document accompagnant la concertation, mais à l’encadrement de toutes les activités économiques vulnérables aux effets du changement climatique, en particulier celles d’élevage et de transport d’animaux. Les référentiels doivent par exemple évoluer pour réduire les densités dans les élevages, les surdensités étant un effet aggravant du stress thermique, ou pour restreindre les transports hors de la zone de confort thermique des animaux. Il est également nécessaire d’assurer une meilleure application des mesures existantes : par exemple, fournir un abri, de l’ombrage et un accès à l’eau aux animaux gardés en plein air est rendu obligatoire l’article R214-18 du Code rural mais, en pratique, insuffisamment respecté.

Proposition 2 : Sensible à la cause animale, je tiens à souligner que l’adaptation aux effets du changement climatique aura d’importantes conséquences sur les modes d’élevage et de transport des animaux, puisque ceux-ci sont particulièrement vulnérables aux effets des fortes chaleurs. La stratégie d’adaptation de la France doit donc viser des transformations structurelles des conditions d’élevage et de transport des animaux et engendrer de multiples co-bénéfices, notamment en matière de bien-être animal. Pour cela, la transition des acteurs économiques se doit d’être accompagnée financièrement, au niveau tant national que local (notamment des régions). Les aides existantes pour investir dans l’aménagement des bâtiments d’élevage (PCAE, PMBE, second pilier de la PAC, plan France Relance…) sont insuffisantes pour faire face aux défis immenses et inédits posés par une trajectoire de réchauffement à + 4 °C. Il est nécessaire de prévoir des aides financières consacrées spécifiquement et directement au bien-être animal, notamment dans le cadre de la prochaine Politique agricole commune, pour soutenir les élevages aux pratiques vertueuses et inciter les autres à aménager et adapter la conception de leurs bâtiments ou leurs bassins d’élevage dans le cadre de la pisciculture ; à réduire les densités ; à offrir un accès extérieur aux animaux et à aménager les parcours ; à arrêter certaines mutilations pour favoriser la thermorégulation des animaux…

Proposition 3 : Dans le document accompagnant la consultation, il est précisé que les actions d’adaptation devront assurer de manière transversale la résilience de la biodiversité. Si ce point est essentiel, je souhaite également souligner que le changement climatique ne fait pas seulement pression sur les écosystèmes naturels et les espèces sauvages, mais aussi sur les animaux d’élevage, terrestres comme aquatiques. Par ailleurs, les approches orientées vers le bien-être des animaux d’élevage peuvent aussi être source de solutions pour s’adapter aux effets du changement climatique. Les plans d’adaptation au changement climatique pour les filières concernées devraient donc aussi prendre en compte les enjeux de plus grand respect du bien-être animal.

Envoyez par e-mail vos contributions aux trois questions de la consultation publique avant la mi-septembre, sur trajectoire-adaptation@ecologie.gouv.fr.