L’abattoir mobile, un outil pour réduire les souffrances des animaux 

Transport, nouvel environnement, présence d’animaux inconnus, multiples manipulations… L’abattage est une source de stress et potentiellement de souffrance pour l’animal. Une alternative aux abattoirs classiques s’est développée ces dernières années en France : l’abattoir mobile. Welfarm, qui a été membre du Comité de suivi et d’évaluation de l’expérimentation de dispositifs d’abattoirs mobiles1,2, passe en revue les tenants et aboutissants de cette pratique visant à favoriser l’abattage de proximité.

Pourquoi l’abattage mobile tend à se développer ?

L’une des raisons principales du développement des dispositifs d’abattoirs mobiles réside dans un maillage territorial des abattoirs de plus en plus réduit. Selon le ministère de l’Agriculture, il existe actuellement 234 abattoirs de boucherie (bovins, ovins, caprins, porcins, équins) en France, contre environ un millier dans les années 1970. Au fil des ans, le nombre d’abattoirs publics a considérablement décliné au profit d’un nombre restreint d’abattoirs privés mono-espèce à forte capacité d’abattage. Les abattoirs publics abattent souvent différentes espèces animales (multi-espèces), ainsi, leur disparition progressive dans certains départements réduit parfois les possibilités d’abattage. Par conséquent, les abattoirs de proximité sont de plus en plus éloignés des sites de production animale, obligeant les animaux à parcourir des centaines de kilomètres entassés dans des camions avant d’être abattus dans à des cadences souvent industrielles. Cela entraîne inévitablement des temps de transport plus longs pour les animaux entre les élevages et les abattoirs accessibles. Les abattoirs mobiles pourraient ainsi faciliter l’accès à l’abattage sur le territoire.

Evolution du nombre de sites d'abattage en France
Source : rapport du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER)
« Filière abattoir : synthèse des études et données économiques et sanitaires disponibles fin 2010 », n° 10227, juin 2011

Le chargement dans les camions de transport, le déchargement ainsi que la phase de transport proprement dite sont sources de stress pour les animaux. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a émis plusieurs avis sur le sujet, notamment un avis sur le transport des petits ruminants (Efsa, 2021) dans lequel les experts énumèrent les facteurs de stress liés au transport. Ainsi, la manipulation, qui peut être brutale, le stress thermique en cas de fortes chaleurs, les défauts d’équipements, la séparation du groupe social et les mélanges d’animaux qui ne se connaissent pas, les bruits et odeurs inconnus, ainsi que l’inconfort et l’environnement nouveau sont autant de sources de stress pour les animaux.

Selon une étude menée par l’Inrae, l’abattage sur le lieu d’élevage permet de réduire le stress des animaux, car ces derniers restent dans un environnement familier, ne sont pas mélangés à des congénères inconnus, subissent moins de manipulations et peu ou pas de transport. Une étude norvégienne portant sur des agneaux a montré que la sécrétion de cortisol (hormone dite « de stress ») était significativement moins élevée dans un système mobile que dans un système fixe.

Par conséquent, l’abattage des animaux à la ferme, notamment grâce à un dispositif mobile, peut contribuer à réduire les souffrances induites par le transport, contrairement à un abattoir fixe situé trop loin du lieu d’élevage.

Les différents types d’abattoirs mobiles et leurs caractéristiques

Il existe différents types d’abattoirs mobiles, chacun présentant des caractéristiques spécifiques. Le camion d’abattage 100 % mobile, par exemple, permet la mise à mort sur le site d’élevage ou à proximité. Il s’agit d’une structure modulable et transportable qui se déplace de ferme en ferme sous la forme de plusieurs camions. Ce système dispose de l’infrastructure nécessaire à l’abattage des animaux et au refroidissement des carcasses. Ces dernières peuvent ensuite être envoyées dans un atelier de découpe et de préparation des commandes. Des opérateurs travaillent sur place afin d’assurer le fonctionnement de l’abattoir.

Le caisson d’abattage mobile est une autre solution, mais il s’agit d’une structure légère où ne sont réalisées que les étapes de mise à mort. La carcasse nécessite ensuite un transfert très rapide vers un abattoir fixe à proximité, qui doit se situer à maximum 1 heure de trajet du lieu d’abattage. Ces caissons sont donc rattachés à un abattoir fixe existant.

Il existe une grande diversité de projets d’abattoirs mobiles en France, avec des modalités différentes. Certains projets ne prévoient aucun transport des animaux, ce qui évite le stress lié au chargement, au déchargement et au transport. L’animal demeure dans son lieu de vie habituel, dans un environnement physique connu, à l’exception de l’entrée dans la structure d’abattage proprement dite : configuration des lieux, bruits, odeurs, etc.

D’autres projets envisagent jusqu’à 1 heure de transport des animaux vers une aire d’accueil où se déroulera ensuite la mise à mort. Dans ce second cas, les animaux subiront le même stress que ceux envoyés dans des abattoirs fixes plus éloignés, mais sur une durée moins conséquente.

Présence de l’éleveur

Les projets d’abattoirs mobiles ont en commun l’avantage d’autoriser la présence apaisante de l’éleveur sur le lieu d’abattage, même si ce dernier n’a pas nécessairement la possibilité d’accompagner son animal jusqu’au poste d’abattage. Bien que l’animal soit manipulé par des personnes inconnues, la présence de l’éleveur peut faciliter l’amenée de l’animal vers la zone d’étourdissement.

Enfin, de manière générale, le format des dispositifs mobiles implique une cadence d’abattage plus faible que dans un abattoir fixe. Cette cadence réduite limite potentiellement les erreurs de manipulation et facilite la prise de temps nécessaire pour effectuer les vérifications de perte de conscience après l’étourdissement.

Quelle que soit la structure mobile, il est nécessaire de prendre en compte divers paramètres en amont, tels que la collecte des déchets et des sous-produits (eau, sang, peau, boyaux…), l’accès aux réseaux d’eau et le stockage des carcasses, pour n’en citer que quelques-uns. De plus, ces projets doivent respecter les mêmes règles sanitaires que les abattoirs fixes, ce qui représente un défi majeur pour les porteurs de projet. Les dispositifs d’abattoirs mobiles peinent parfois à être rentable et bon nombre de projets français très avancés ont dû renoncer à mettre en œuvre un tel dispositif. En effet, les coûts de fonctionnement sont importants et un choix adéquat du modèle économique est crucial pour garantir la viabilité du projet. Le parlement européen souhaiterait que les fonds européens puissent aider à financer ce type de projet.

L’abattoir mobile est l’une des solutions envisageables afin de réduire ou de supprimer le transport des animaux vivants. Welfarm plaide également pour un renforcement du maillage territorial en augmentant la quantité d’abattoirs fixes présents en France. De façon plus globale, Welfarm souhaite que les transports d’animaux vivants destinés à l’abattoir soient remplacés par le transport de carcasses. Rendez-vous sur le lien de notre campagne Terminus2023 afin de signer notre pétition contre le transport d’animaux sur de longues distances !

(1) Welfarm est également membre du Comité national d’éthique des abattoirs (Cneab).

(2) Article 73 Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous : « À titre expérimental et pour une durée de quatre ans à compter de la publication du décret prévu au dernier alinéa du présent article, des dispositifs d’abattoirs mobiles sont expérimentés dans l’objectif d’identifier les éventuelles difficultés d’application de la réglementation européenne. L’expérimentation fait l’objet d’une évaluation, notamment de sa viabilité économique et de son impact sur le bien-être animal, dont les résultats sont transmis au Parlement au plus tard six mois avant son terme. »