Le réchauffement climatique : un danger pour le bien-être des animaux et leur santé mais aussi une menace existentielle pour les éleveurs

Baisse de la production de lait et de viande, chute de la fertilité, mortalité accrue… Les épisodes de fortes chaleurs, amenés à se multiplier sous l’effet du réchauffement climatique, sont synonymes de grandes souffrances pour les animaux. Ils représentent également une menace économique pour les éleveurs.

La sécheresse qui a frappé la France cet été affecte également la quantité et la qualité des fourrages.

Comment les animaux réagissent-ils physiologiquement à l’augmentation des températures ?

Les animaux homéothermes1 dépensent de l’énergie pour maintenir leur température corporelle stable. Quand les animaux ne parviennent pas à la réguler, notamment lorsque la température extérieur grimpe, ils sont en situation dite de stress thermique.  Apparaissent alors des réactions physiologiques (augmentation de la fréquence respiratoire, halètement…) et des réactions comportementales (déplacement dans des zones ombragées, augmentation de la consommation d’eau…). S’il s’intensifie ou se prolonge, le stress thermique a des conséquences sur la physiologie et la santé de l’animal. Il impacte son état corporel ainsi que ses performances et sa capacité de production et peut même, au-delà d’un certain seuil, provoquer sa mort.

Quelles sont les conséquences des fortes chaleurs sur la productivité ?

Avec la chaleur, les animaux ont tendance à réduire leur consommation d’aliments. Cette baisse va réduire les performances des animaux.

Chez les vaches, la production de lait et de viande chute. En été, selon une étude publiée en 2015, ces pertes s’élèveraient en moyenne à 2,4 kg de lait par jour et par vache. La fourchette haute se situant même à 3,5 kg. Avec le réchauffement climatique, les épisodes de fortes chaleurs vont se multiplier et les pertes suivront la même tendance.

La sécheresse qui a frappé la France cet été affecte également la quantité et la qualité des fourrages, comme en témoigne un éleveur dans les Alpes interrogé par le média Le Messager. « L’herbe qu’elles mangent en ce moment n’a plus d’énergie. C’est juste de la fibre. » Guillaule Mollard estime qu’une vache de 600 kg a perdu cette année de 50 à 100 kg avec la chaleur. « Elles sont épuisées, plus fragiles. » Cela influe évidemment sur la production de lait. « En août, on a produit 5 000 litres de lait en moins, soit une perte de 3 000 euros », déclare-t-il.

« Des vaches qui souffrent par un excès de chaleur, c’est un manque à gagner de trois litres par jour et par vache», soit une baisse de productivité de 15%, témoigne de son côté un éleveur vosgien interrogé par Europe1.

D’autres effets délétères de la chaleur sur le long terme

Le stress thermique a également des conséquences à plus long terme pour les animaux. Il entraîne une baisse de l’immunité et une baisse de la fertilité. La descendance est impactée avec une baisse du poids moyen et de l’immunité à la naissance. De plus, l’augmentation des températures peut provoquer un développement embryonnaire anormal.

Un impact économique qui ne fera que s’aggraver

Des études américaines ont estimé que les pertes économiques engendrées par le stress thermique subi par les animaux s’élèvent à 1,5 milliard de dollars par an pour l’industrie laitière, rien qu’aux États-Unis (Key, N., and S. Sneeringer. 2014) et près de 1 milliard de dollars pour l’industrie porcine (Pollmann, D. S. 2010). Des pertes qui pourraient être sous-estimées car elles ne prennent pas en compte l’impact des fortes chaleurs sur la qualité des produits, sur l’augmentation des frais vétérinaires, etc. Et les études citées sont relativement anciennes. Depuis, les épisodes de fortes chaleurs sont plus fréquents et plus intenses. En juin 2022, par exemple, des milliers de bovins sont morts de stress thermique en seulement quelques jours dans des parcs d’engraissement (feedlots) aux États-Unis.

Toutes les espèces sont touchées

La filière bovine n’est évidemment pas la seule impactée. Les épisodes caniculaires de 2019 en France ont par exemple entraîné une surmortalité de l’ordre de 40% dans les élevages de porcs et volailles2. Le 18 juillet dernier, 1 500 tonnes de volailles dans 130 élevages bretons, soit l’équivalent de 750 000 poulets d’un poids moyen de deux kilogrammes, ont péri en quelques heures en raison de la chaleur. Ces mortalités phénoménales concernent aussi les espèces aquatiques, comme les truites présentes dans les bassins d’élevage.

Une adaptation au changement climatique indispensable à la pérennité de l’élevage

Pour faire face aux fortes chaleurs, des mesures de bon sens sont aujourd’hui portées par certains professionnels de l’élevage et relayées par le gouvernement, comme l’augmentation du débit de la ventilation dans les bâtiments. Mais elles sont largement insuffisantes pour assurer des conditions d’élevage qui respectent le bien-être des animaux.

Une gestion des canicules parcellaire et fondée seulement sur l’urgence n’est en aucun cas une réponse acceptable. Les vulnérabilités de l’élevage aux fortes chaleurs révèlent en effet un besoin d’adaptation sur le long terme aux effets du changement climatique. Les pouvoirs publics se doivent d’établir une feuille de route claire et ambitieuse pour transformer en profondeur les modèles productifs.

Welfarm se veut force de propositions. Dans le cadre de notre campagne Chaud Dedans !, nous avons remis au gouvernement en juillet une série de mesures systémiques et holistiques pour transformer profondément les conditions d’élevage et de transport des animaux. Nous demandons que l’État joue pleinement son rôle pour édicter de nouvelles normes et soutenir une évolution ambitieuse de la législation française et européenne, en complément des bonnes pratiques portées par les professionnels de l’élevage.

Pour tout savoir sur notre campagne Chaud Dedans !, qui vise à mettre un terme aux pires souffrances des animaux d’élevage en période de fortes chaleurs, et pour signer la pétition, rendez-vous ICI

1 Un animal homéotherme est un animal dont la température moyenne, constante, est indépendante du milieu ambiant. L’être humain est homéotherme. Les poissons ne le sont pas.

2 Conseil Général de l’Alimentation, de l’Agriculture et des Espaces Ruraux, « Rapport n°20030 – Mission d’appui à la Direction Générale de l’Alimentation (DGAL) portant sur l’élaboration d’un plan national de prévention et de gestion des conséquences de futurs épisodes de vagues de chaleur », décembre 2020