« Les truites ne peuvent pas s’adapter » : la pisciculture en danger face au réchauffement climatique

Manque d’eau, températures trop élevées, oxygénation des bassins insuffisante… La sécheresse et les fortes chaleurs pèsent lourdement sur la filière piscicole. L’élevage de truites arc-en-ciel, majoritaire dans les fermes d’eau douce en France, est particulièrement menacé.

Les conditions d’élevage actuelles des truites en bassin peuvent être assimilées, en termes de captivité, à celles des poulets élevés en bâtiment.

Un été de sécheresse qui met à mal le modèle d’élevage français

Le constat est amer pour les éleveurs de truites après un été caniculaire marqué par une sécheresse historique. Les bassins d’élevage alimentés par les cours d’eau ont vu leur niveau drastiquement baisser. Un niveau d’eau plus bas signifie moins de courant et une eau qui chauffe plus rapidement. Avec l’augmentation de la température, le taux d’oxygène dans l’eau diminue.

Conséquences de tous ces phénomènes : des mortalités accrues, une chute de la production et l’augmentation du risque de maladies.

Dans les Landes (sud-ouest) par exemple, il y a parfois jusqu’à moitié moins d’eau dans les bassins pour élever les truites et donc beaucoup moins de poissons. Certains élevages ont dû réduire de moitié leur production cet été.

Un niveau d’eau plus bas dans les bassins veut aussi dire moins de courant et une eau qui chauffe plus rapidement. « Et c’est ce que n’aime pas la truite, elle n’aime pas les différentiels de température entre le matin et le soir », témoigne ainsi pour France Bleu Valentin Deporte, directeur du pôle pisciculture d’Aqualande, qui gère la majorité des élevages du département landais.

« Si les étés s’enchaînent ainsi, ce pourrait être la fin de la pisciculture »

Pour pallier ce problème, les pisciculteurs peuvent installer des pompes qui permettront d’injecter de l’oxygène dans l’eau et créer plus de courant. « Pour nous c’est colossal, quand on a des pompes qui tournent toute la journée on ne peut pas faire ça toute l’année, surtout avec l’envolée des prix de l’énergie », explique Valentin Deporte. « Tout ça est donc palliatif, donc forcément on se pose beaucoup de questions sur les prochains étés, parce que nous avons un poisson qui n’est pas adapté à vivre dans un milieu comme celui que nous avons aujourd’hui. »

Même constant dans le département de l’Indre (centre). Le pisciculteur Julien Darreau, qui lui élève des carpes en étang, confie ainsi son pessimisme dans La Nouvelle République : « Si les étés s’enchaînent ainsi, ce pourrait être la fin de la pisciculture. »

L’élevage actuel des truites assimilable à celui des poulets en bâtiment

Les conditions d’élevage actuelles des truites en bassin peuvent être assimilées, en termes de captivité, à celles des poulets élevés en bâtiment. Les densités trop élevées engendrent des risques d’agressions entre les individus et donc de stress et de blessures. Ce stress affaiblit leurs défenses immunitaires et les expose aux maladies. De même, la mauvaise qualité de l’eau (manque d’oxygène, excès de matières azotées, températures et niveaux de pH inadaptés) est à l’origine de diverses pathologies, ainsi que de taux de mortalité élevés. Dans ces conditions d’élevage intensives, les poissons peuvent parfois aussi souffrir de parasitisme.

La truite, pas la seule espèce de poissons concernée

Les systèmes d’élevage varient en fonction de l’espèce, de la zone géographique et de l’étape d’élevage. L’élevage peut être réalisé dans des étangs (pour l’élevage de carpes principalement), en bassins (principalement pour les juvéniles et les truites), ou encore dans des cages en mer (saumons, daurades et bars pendant la phase de croissance) ou en lac (grosses truites).

Selon les pratiques, les truites, saumons, bars et daurades peuvent être confinés à haute densité dans des espaces réduits. Détenus dans un environnement très différent de leur milieu naturel le plus souvent sans aucun enrichissement, ces poissons voient une grande partie de leurs comportements naturels restreints : fouiller le sol, chasser, plonger à plusieurs mètres de profondeur, se cacher, ou encore développer des liens sociaux conformes à leurs espèces (ou les minimiser pour les espèces solitaires), est le plus souvent impossible, et cela impacte significativement leur bien-être. De surcroît, avec le réchauffement climatique, la température de l’eau de ces cages en mer ne cesse de grimper, à l’instar des bassins d’eau douce pour les truites. Si les bars et les daurades peuvent tolérer des eaux assez chaudes, c’est beaucoup moins le cas pour les salmonidés.

Garantir un environnement adapté aux besoins des poissons

Pour faire face aux nombreux défis qui se posent, tant du point de vue du bien-être animal que d’un point de vue économique, il est indispensable de garantir un environnement adapté aux besoins des poissons.

Comme on l’a vu, la pollution de l’eau et le manque d’oxygène s’intensifient avec le nombre d’animaux dans les bassins, et plus encore en période de fortes chaleurs. Les poissons devraient toujours pouvoir nager dans des eaux de qualité, qui ne soient pas surpeuplées. Il est donc impératif de réduire les densités de poissons dans les bassins. Pour permettre aux poissons de se réfugier dans des zones dont la température est plus fraîche, il est également primordial d’augmenter la profondeur des bassins et de mettre en place des zones d’ombres.

Ces recommandations sont portées par Welfarm auprès des professionnels de l’élevage et des pouvoirs publics dans le cadre de sa campagne Chaud Dedans ! qui vise à mettre un terme aux pires souffrances des animaux lors des fortes chaleurs et appelle à une adaptation générale de l’élevage aux effets du réchauffement climatique.

Pour en savoir plus sur la campagne Chaud Dedans et pour signer la pétition : rendez-vous ICI