Un récent rapport de l’ONG australienne Coalition for the Protection of Racehorses, adressé à la Commission européenne, apporte de nouveaux arguments en faveur de l’interdiction de l’importation de viande chevaline en provenance d’Australie. WELFARM, solidaire de cette démarche, milite depuis des années en faveur d’une telle mesure et réclame qu’elle soit étendue à l’Uruguay, l’Argentine et le Canada.
Les conditions effroyables dans lesquelles les chevaux australiens sont transportés et abattus pour leur viande en Australie sont documentées depuis plusieurs années déjà1. À la suite de ces enquêtes, un groupe indépendant composé notamment d’experts ayant des intérêts dans l’industrie des courses équestres ꟷ Thoroughbred Aftercare Welfare Working Group (TAWWG, Groupe de travail sur le bien-être des chevaux de course) ꟷ a été formé pour mener une enquête. Son rapport2, qui concerne à la fois l’abattoir de Meramist et la traçabilité des chevaux australiens, a été remis en décembre dernier à la Commission européenne.
Une absence de traçabilité et de prise en compte du bien-être animal
Ses conclusions sont accablantes. Les chevaux sont transportés sur de longues distances, parfois plus de 1000km, jusqu’au site de Meramist dans des conditions totalement inadaptées. À l’abattoir, ils sont traités de « manière cruelle et considérés comme un produit commercial jetable ».
Le rapport met clairement en évidence l’absence en Australie « de lois cohérentes sur le bien-être des animaux, de normes nationales » concernant les chevaux, que ce soit pour leur transport ou leur abattage.
Au niveau de la traçabilité, l’absence de registre national est pointée du doigt. Le rapport note que des systèmes de traçabilité existent pour d’autres animaux d’élevage, mais pas pour les chevaux « car ils ne sont pas utilisés pour l’alimentation humaine en Australie ».
Ce rapport impartial et indépendant confirme ce que l’on sait depuis déjà plusieurs années : les normes de bien-être animal et la traçabilité des chevaux en Australie ne répondent pas aux attentes de l’UE. La seule solution consiste donc à suspendre l’importation de viande de cheval australienne.
La Commission européenne fait la sourde oreille
Au vu des éléments mis en lumière dans ce rapport, qui ne viennent que conforter les conclusions d’enquêtes précédentes, l’ONG Coalition for the Protection of Racehorses, à l’unisson de Welfarm et d’autres associations de défense de la cause animale, exige la suspension immédiate des importations de viande chevaline au sein de l’UE en provenance d’Australie.
La Commission européenne ne conteste aucunement l’exactitude et le bien-fondé de l’enquête de Coalition for the Protection of Racehorses. Sur le volet bien-être animal, elle écrit ainsi : « Le rapport met en évidence un certain nombre de déficiences en matière de bien-être animal en ce qui concerne les conditions de transport et les longs trajets des chevaux jusqu’à l’abattoir. Les exigences australiennes en matière de transport des chevaux ne correspondent pas aux normes de l’UE. » Mais elle ne souffle mot sur les conditions d’abattage.
Quant à la traçabilité, la Commission reconnaît elle-même que « des lacunes à cet égard ont également été relevées dans les rapports d’audit de la Commission ».
Cependant, la Commission n’a nullement l’intention d’interdire l’importation de viande chevaline en provenance de l’île continent. Pour elle, « les exigences de l’UE en matière d’importation se limitent à l’abattage des animaux et ne couvrent pas leur transport vers l’abattoir », omettant donc de prendre en compte les conclusions du rapport sur les conditions déplorables d’abattage des chevaux à l’abattoir de Meramist.
Sur le volet traçabilité, l’exécutif européen se retranche derrière le fait que les autorités australiennes ont informé la Commission en octobre 2021 de la mise en place de nouvelles règles renforcées sur la traçabilité des équidés et leur non-traitement avec des substances interdites. La Commission argue également que « du point de vue de la sécurité alimentaire, le faible nombre de notifications liées aux résidus dans le système d’alerte rapide de l’UE pour les denrées alimentaires et les aliments pour animaux (RASFF, Rapid Alert System for Food and Feed) pour la viande de cheval en provenance d’Australie ne justifie pas une suspension des importations ».
La porte doit être fermée à l’Argentine, l’Australie, l’Uruguay et au Canada
De précédentes enquêtes menées en Argentine, en Uruguay et au Canada4 documentaient elles aussi l’enfer vécu par les chevaux destinés à la boucherie : affamés, meurtris, traînés hors des camions par des chaînes, saignés conscients dans des abattoirs agréés pour l’UE…
La Commission européenne en est parfaitement consciente et n’est pas dupe. Ses rapports d’audits menés en Uruguay en 2018 et en Argentine en 2020, pointaient par exemple une manœuvre des centres de rassemblement consistant à faire disparaître la totalité des chevaux la veille de l’audit : pas de cheval, pas de preuve de maltraitance.
Une seule conclusion s’impose : Bruxelles doit rayer l’Argentine, l’Australie, l’Uruguay et le Canada de la liste des pays autorisés à exporter de la viande chevaline vers l’UE, ce qui est déjà le cas pour le Brésil et le Mexique. Une pétition est en ligne sur alerteviandechevaline.fr pour forcer la Commission à agir.
En France, Welfarm exhorte distributeurs et bouchers à ne plus se fournir dans ces pays ou leurs intermédiaires.
1-En octobre 2019, le documentaire « The Final Race », diffusé à la télévision australienne documentait sur une période de deux ans les conditions épouvantables et la cruauté auxquelles sont soumis les chevaux australiens destinés l’abattoir agréé par l’UE, Meramist. https://www.abc.net.au/7.30/the-dark-side-of-the-horse-racing-industry/11614022
-Fin février/début mars 2020, Animal Welfare Foundation I Tierschutzbund Zürich (AWF I TSB), en collaboration avec la Coalition pour la protection des chevaux de course, ont publié un deuxième documentaire, « Victims of the Betting Industry », rendu public en juillet 2020. https://www.youtube.com/watch?v=5Ih9RHiDOho
2 https://thoroughbredwelfareinitiative.org.au/new-page-1
3 Agrée par l’UE et situé dans l’État du Queensland (nord-est), Meramist est le seul abattoir autorisé à traiter les chevaux en Australie.
4 https://welfarm.fr/presse/viandechevaline/CP%20WELFARM%20viande%20chevaline%202021.pdf