Sur demande de la Commission européenne, l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (« EFSA ») publie le 21 février 2023 deux rapports sur les conditions d’élevage des poules et poulets au sein de l’Union européenne (« UE »). Alors que la Commission européenne s’apprête à revoir toute la législation européenne sur la protection animale, l’EFSA pointe du doigt les multiples souffrances infligées à ces animaux dans la plupart des élevages européens et recommande en particulier de mettre fin aux cages. C’est un message fort, que nous demandons à la Commission d’écouter puisqu’elle publiera ses propositions législatives à l’automne 2023.
© Laurine Delannoy pour Welfarm
Les avis scientifiques de l’EFSA sont clés pour la Commission européenne
Dans le cadre du processus de révision de la législation européenne sur la protection animale, l’EFSA a été mandatée par la Commission européenne pour rédiger des rapports sur les conditions d’élevage, de transport et d’abattage des animaux de ferme. Le 21 février 2023, l’Autorité publie deux nouvelles évaluations cruciales : l’une porte sur les conditions d’élevage des poules pondeuses, poulettes et poules reproductrices tandis que l’autre s’intéresse aux poulets élevés pour leur viande dits « poulets de chair »), aux poussins mâles et aux poulets reproducteurs. Espérons que la Commission européenne saura tirer les leçons de ces nouveaux rapports, qui interviennent notamment après ceux sur le transport d’animaux vivants. Les propositions législatives de la Commission européenne sont en effet prévues pour le troisième trimestre 2023.
Les constats alarmants de l’EFSA sur le bien-être des poules et poulets
L’élevage des poules pondeuses et poulets pour la consommation de viande concerne à ce jour des millions d’animaux. 376 millions de poules pondeuses ont été élevées en 2021 au sein de l’UE, dont 45% en cages, et ont produit ainsi 6,4 millions de tonnes d’œufs[i]. De leur côté, ce sont en moyenne 6 milliards de poulets qui sont élevés chaque année au sein de l’UE pour la consommation de viande[ii].
Or, le constat de l’EFSA est dépourvu d’ambigüité : les pratiques intensives en élevage sont monnaie courante. Dans ses rapports, l’Autorité sanitaire identifie onze problèmes de bien-être animal fréquents dans les élevages de poules pondeuses et dix-neuf dans les élevages de poulets destinés à la consommation de viande. Ces difficultés, souligne-t-elle, sont encore plus importantes lorsque les animaux sont enfermés dans des cages. En décrivant les problématiques inhérentes aux souches à croissance rapide, aux surdensités en élevage ou encore à l’insuffisance de l’aménagement des bâtiments, l’EFSA pointe du doigt les problèmes suivants, récurrents en élevage et qui concernent ces deux espèces animales :
- Les lésions osseuses : les animaux souffrent régulièrement de fractures, dislocation des os, etc.
- Le stress : parmi les types de stress identifiés par l’EFSA, figure par exemple celui lié au regroupement des animaux. Du fait en particulier des surdensités, ils subissent en effet du stress qui va se traduire par des souffrances, de la peur, de la frustration et des comportements agressifs. Symétriquement, lorsque l’animal est isolé de ses congénères ou si un poussin par exemple est séparé de sa mère et de ses congénères, l’EFSA relève aussi les problèmes de stress, de peur et de frustration que l’isolement provoque.
- L’impossibilité pour les animaux de répondre à leurs besoins et d’adopter des comportements naturels : la plupart des élevages ne permet pas aux poules et poulets de prendre des bains de poussière, de s’étirer les pattes, d’étendre leurs ailes, de se lisser les plumes, etc. Ils ne peuvent pas non plus adopter leurs comportements naturels liés à l’exploration de leur environnement et à la recherche de nourriture ou d’eau.
- Les restrictions de mouvements subies par les animaux : ils ne peuvent pas se déplacer librement ni marcher confortablement en raison des surdensités et des surfaces de perchage inadaptées.
- Le manque de repos suffisant : parce qu’il leur est notamment impossible de se percher confortablement, les animaux ne peuvent pas se reposer autant que nécessaire, ni dormir, ce qui leur cause inconfort et frustration.
- L’impossibilité pour les animaux d’éviter des comportements sexuels indésirables : L’EFSA insiste particulièrement sur ce point pour les animaux reproducteurs, que ceux-ci donnent naissance à des poussins amenés à devenir des poules pondeuses ou des poulets. Ces animaux souffrent des pratiques d’accouplement forcé qui leur sont infligées.
L’Autorité sanitaire européenne insiste également sur certains problèmes courants dans les élevages de poules pondeuses, d’une part et de poulets, d’autre part. Elle montre par exemple que le débecquage des poules est routinier et mené dans le but de réduire les phénomènes de picage. L’Autorité incite ainsi les acteurs à y renoncer en adoptant de bonnes pratiques d’élevage. Citons aussi à titre d’illustration que pour l’EFSA, il est fréquent de ne pas nourrir, ni abreuver les poussins dans les écloseries. Elle détaille aussi les méthodes de restriction de nourriture qui sont imposées aux poulets de souche à croissance rapide : cette sélection génétique ayant pour effet de faire grossir plus rapidement ces animaux, les maintenir dans un état de faim prolongée est la solution qui a été trouvée pour leur éviter des problèmes d’obésité et des boiteries supplémentaires. Encore une pratique pour le moins paradoxale, donc.
Les recommandations de l’EFSA pour remédier aux problèmes de bien-être animal : de très bonnes nouvelles qui pourraient être plus ambitieuses encore
Que ce soit pour les poulets reproducteurs qui peuvent encore être maintenus en cage au sein de l’UE, ou les poules pondeuses qui sont encore trop nombreuses à être élevées en cage, la recommandation phare de l’EFSA est claire : il faut interdire les cages. En s’appuyant sur le succès de l’Initiative Citoyenne Européenne « Pour une ère sans cage » lancée par une centaine d’ONG de protection animale dont Welfarm, l’EFSA se prononce sans ambiguïté pour l’interdiction pure et simple des cages au vu des problèmes aggravés de bien-être animal qu’elles causent. Ce nouveau signal est pour le moins bienvenu : la Commission est à nouveau appelée à traduire ses promesses en actes.
L’Autorité sanitaire européenne émet par ailleurs plusieurs recommandations. Parmi celles qui visent à améliorer le bien-être des poules pondeuses, relevons par exemple la nécessité de leur fournir constamment de la litière en quantité, propre et friable et d’enrichir leur milieu (bains de poussière, matériaux à piquer, à explorer, etc.) ; d’adopter des mesures à même d’éviter les phénomènes de picage et les mutilations ; ou bien encore de prévoir des surfaces de perchage adaptées. L’EFSA émet également plusieurs demandes tournées vers la prise en compte du bien-être des poulets telles que la nécessité de réduire drastiquement les densités maximales autorisées à ce jour ; d’empêcher les restrictions liées à l’alimentation ; d’installer des surfaces de perchage ; d’éviter les mutilations, etc. Parce qu’elles permettent effectivement de prendre davantage en compte le bien-être des animaux d’élevage, ces préconisations que Welfarm porte depuis des années sont donc de très bonnes nouvelles également.
Notons que pour les poules comme pour les poulets, l’Autorité sanitaire se prononce aussi en faveur de l’installation de jardins d’hiver, en la présentant parfois cependant comme une mesure alternative à la nécessité de réduire par ailleurs les densités en élevage. Pour Welfarm, doter tous les élevages de volailles de jardins d’hiver est nécessaire. Ce type de dispositif ne doit cependant en aucun cas devenir un prétexte pour maintenir de fortes densités : le bien-être des animaux requiert non seulement de leur permettre d’accéder à des jardins d’hiver mais aussi de réduire les densités. Au-delà, et la timidité de ces rapports sur ce point est pour le moins regrettable, il est indispensable d’encourager autant que possible le développement des élevages en plein air pour tous les animaux.
Espérons que la Commission saura donc faire preuve d’ambition en écoutant les recommandations précieuses de l’EFSA tout en étant encore plus soucieuse de la juste prise en compte du bien-être des animaux de ferme.
[i] EFSA, « Welfare of laying hens », publié le 21 février 2023, p. 18.
[ii] EFSA, « Welfare of broilers on farm”, publié le 21 février 2023, p. 3.