Des documents de transport transmis à Welfarm prouvent qu’au moins 4 taurillons sont morts à bord d’un navire qui transportait plus de 2 000 bovins irlandais vers la Lybie en novembre 2023. Il apparaît aussi dans ces rapports que 21 taurillons ont disparu sans explication.
Le 15 novembre 2023, nous vous informions de la présence d’un navire de transport de bétail en provenance d’Irlande à l’ancre dans la baie de Douarnenez, dans le Finistère, avec à son bord plus de 2 000 taurillons à destination de la Lybie.
Le « Sarah M », un ancien cargo frigorifique de 79 mètres converti en bétaillère maritime, battant pavillon panaméen, avait dû s’abriter en raison de vents violents. En effet, lors de son départ du port de Foynes, dans le sud-ouest de l’Irlande, le 10 novembre, le navire avait essuyé des vents de 24 nœuds, alors même que la législation irlandaise interdit aux navires de moins de 90 m de long transportant du bétail de prendre la mer lorsque des vents d’une vitesse supérieure à 22 nœuds sont constatés.
Carcasses échouées sur les plages bretonnes
Quelques jours plus tard, le 20 novembre, le cadavre d’un taurillon avait été découvert sur la plage de Tréogat un peu plus au sud sur le littoral breton. Le lien avec le « Sarah M » n’avait pu être établi car la boucle d’identification de l’animal avait été retirée.
Puis, les 10 et 12 décembre, deux autres bovins ont été retrouvés échoués, sur les plages de Crozon et de Trégunc, toujours dans le Finistère. Une fois encore, les animaux ne portaient pas de boucles d’identification.
L’ONG de protection animale Ethical Farming Ireland a pu se procurer divers documents concernant le chargement et le déchargement du « Sarah M », documents qu’elle a communiqués à Welfarm.
Le capitaine du navire a indiqué dans son rapport avoir chargé 2 064 taurillons à Foynes et en avoir déchargé 2 060 à Misrata, en Lybie, 14 jours plus tard. Le rapport stipule que les 4 taurillons manquants sont morts durant la traversée. Le capitaine n’indique pas ce qu’il est advenu des bovins, mais les animaux morts à bord des navires de transport sont le plus souvent jetés par-dessus bord car les ports de destination ne permettent généralement pas de les décharger pour des raisons de santé publique.
21 taurillons « évaporés »
Une information étonnante est que le rapport ne fait mention d’aucun animal malade ou blessé lors de la traversée, ce qui est peu crédible pour un voyage qui a duré 14 jours, qui plus est en présence de vents violents.
Plus inquiétant encore, selon le formulaire d’inspection de chargement du ministère de l’Agriculture irlandais, 2 085 animaux ont été chargés sur le « Sarah M ». Le chiffre apparaît sur le volet « inspection lors du chargement » ainsi que sur le volet « inspection post-chargement » du formulaire. Il ne fait donc aucun doute que 2 085 taurillons étaient à bord du navire lors du passage des agents du ministère, soit 25 de plus que le nombre indiqué dans le rapport du capitaine.
Une information confirmée par le certificat sanitaire d’exportations des animaux qui mentionne, lui aussi, 2 085 animaux.
Dès lors, on peut légitimement se poser la question du sort des 21 taurillons manquant à l’appel, étant donné que le rapport de chargement du ministère ne mentionne pas d’animal écarté à la suite de l’opération. Est-ce que ce sont 25 bovins qui sont morts lors de la traversée et non 4 ?
Ethical Farming Ireland a contacté les autorités irlandaises afin d’avoir une explication sur la différence de comptabilité entre les rapports du ministère et celui du capitaine du « Sarah M ».
Réglementation inefficace pour protéger les animaux
Chaque année, l’Union européenne exporte par cargos des dizaines de milliers de bovins et d’ovins vers l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient. Ces animaux effectuent des traversées pouvant durer jusqu’à quinze jours, sans la moindre surveillance vétérinaire, à bord de navires hors d’âge.
Les risques pour les animaux sont multiples lors d’un transport en mer : manipulations parfois violentes lors des chargements et déchargements ; incidences de la météo ; infrastructures inadaptées causant de multiples blessures ; stress thermique ; quantités pas toujours suffisantes de nourriture et d’eau ; accumulation des excréments…
Le sort des taurillons transportés vers la Lybie sur le « Sarah M » est une preuve de plus que les exportations maritimes d’animaux d’élevage vers les pays tiers sont incompatibles avec toute notion de bien-être animal. D’autant plus que la Commission européenne n’a pas jugé bon d’inscrire dans sa proposition de révision de la législation concernant le transport d’animaux la présence obligatoire d’un vétérinaire à bord des navires de transport de bétail, comme le souhaite Welfarm.
Pour faire cesser leur calvaire, une fois encore, Welfarm demande l’interdiction du transport de ces animaux hors des frontières de l’Union européenne.