Chaque année, des millions d’animaux vivants sont transportés à l’intérieur de l’Union européenne et vers les pays tiers. Des trajets souvent synonymes de grandes souffrances pour les animaux, d’autant plus lors des épisodes caniculaires, durant lesquels les animaux suffoquent, entassés dans des camions et des navires de transport. La réglementation doit changer en profondeur pour protéger les animaux d’élevage et mettre fin à leur calvaire.
Assoiffés, haletants, enfermés pendant des heures dans des camions en plein soleil alors que la température dépasse les 30 °C… Les transports peuvent vite devenir un calvaire pour les animaux d’élevage lorsque le mercure grimpe.
En juillet 2018, à la frontière turque. 57 vaches françaises, en provenance de République tchèque, ont passé 10 jours enfermées dans un camion en pleine canicule, selon France info. Des conditions infernales pour ces animaux, privés d’eau et de nourriture par plus de 35 °C pendant plusieurs jours, en raison de certificats sanitaires invalides. Les vaches ont finalement pu passer la frontière pour être abattues à Ankara.
En août de la même année, environ 275 bovins entassés dans 5 bétaillères parties de Saint-Germain-Lespinasse, dans la Loire, à destination d’Edirne, dans l’ouest de la Turquie, n’ont pas terminé leur trajet dans cette ville, mais ont continué leur route vers Antalya et Polatli, à plusieurs centaines de kilomètres au sud et à l’est du pays, selon les ONG CIWF et Eyes on animals. Un trajet interminable pour ces animaux, confinés dans des camions par 35 °C.
Quelques années plus tard, en juillet 2022, près de Bologne, en Italie, plusieurs camions transportant des porcs par une température extérieure comprise entre 36 et 38 °C ont été suivis par l’ONG Essere Animali lors de leur trajet vers l’abattoir. Selon l’association, la température à l’intérieur des bétaillères excédait les 40 °C, un calvaire pour les cochons, pour qui la température de confort se situe entre 15 et 25 °C. À l’arrivée à l’abattoir, les camions ont stationné 30 minutes au soleil avant que les animaux soient déchargés pour être abattus.
Par le biais de son application TruckAlert, Welfarm est également régulièrement alertée de transports par fortes températures.
Réglementation lacunaire
Les souffrances subies par les animaux d’élevage durant leur transport prouvent que la réglementation censée les protéger est inefficace, que ce soit au niveau européen ou national.
Le règlement européen1 impose que la température à l’intérieur de l’habitacle des véhicules n’excède jamais les 30 °C, avec une tolérance de plus ou moins 5 °C, pour les transports de longue durée (plus de 8 heures). Pour les transports d’une durée inférieure à 8 heures, le règlement ne fixe pas de limite de température.
Or, si minimes soient-elles, ces dispositions ne sont pas respectées en pratique. Nombre de trajets sont autorisés lorsque les températures excèdent 30 °C. Des transports sont effectués alors que les dispositifs de ventilation/brumisation sont défectueux ou inexistants.
Plage horaire arbitraire
À la suite de l’action de Welfarm et d’autres associations de défense des animaux, la France a restreint en 2019 le transport d’animaux durant les épisodes de fortes chaleurs. Il est interdit de transporter des animaux entre 13 heures et 18 heures dans les départements placés en vigilance canicule orange ou rouge la veille du départ à moins que le camion ne soit équipé de systèmes de climatisation ou d’un double dispositif de ventilation et brumisation2. Là encore, cette réglementation, peu appliquée, est insuffisante : les températures peuvent évidemment dépasser 30 °C en dehors de cette plage horaire arbitraire.
En décembre 2023, la Commission européenne a dévoilé sa proposition de révision du volet transport de la législation européenne sur le bien-être animal. Si le texte présente quelques avancées qui vont dans le sens des recommandations de Welfarm, cette révision est pour l’instant insuffisante et ne permet pas de mettre fin aux souffrances subies par 1,6 milliard d’animaux d’élevage transportés chaque année dans l’Union européenne et au-delà.
Scandale des exportations par voie maritime
Welfarm déplore notamment que les exportations vers les pays tiers soient toujours permises dans la proposition de règlement, notamment lorsque le transport routier est suivi d’un transport par navire.
Chaque année, l’Union européenne exporte par cargos des dizaines de milliers de bovins et d’ovins vers l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient. Ces animaux effectuent des traversées pouvant durer jusqu’à quinze jours, sans la moindre surveillance vétérinaire, à bord de navires hors d’âge.
Les risques pour les animaux sont multiples lors d’un transport en mer : manipulations parfois violentes lors des chargements et déchargements ; incidences de la météo ; infrastructures inadaptées causant de multiples blessures ; stress thermique ; quantités pas toujours suffisantes de nourriture et d’eau ; accumulation des excréments…
En septembre 2022, 780 taurillons avaient quitté le port de Sète à destination de l’Algérie. À leur arrivée au port d’Alger, les bovins n’avaient pu être déchargés en raison d’un risque sanitaire lié à l’absence de documents pour certains animaux. Les taurillons étaient restés bloqués 15 jours à bord du navire avant d’être finalement rapatriés en France pour être euthanasiés.
Seule une évolution réglementaire peut mettre fin aux souffrances des animaux
La réglementation doit changer en profondeur afin de mettre fin aux souffrances des animaux durant leur transport lors des épisodes de fortes chaleurs, de plus en plus fréquents et intenses en raison du changement climatique.
Welfarm demande :
– l’interdiction stricte des transports d’animaux par fortes chaleurs. Welfarm demande donc de définir des seuils de températures spécifiques à chaque espèce transportée et d’imposer une stricte interdiction des transports hors de cette zone de confort thermique ;
– l’interdiction des transports routiers d’animaux de plus de 8 heures quel que soit le lieu de destination finale, pour les chevaux ruminants et porcs. Théoriquement, le règlement européen sur le transport d’animaux vivants limite, il est vrai, à 8 heures le temps de trajet des chevaux non-enregistrés, des bœufs, moutons, brebis, chèvres et porcs. Il n’en demeure pas moins que ce seuil peut être dépassé lorsque certaines conditions sont remplies. Le transport des ruminants adultes peut ainsi durer jusqu’à 29 heures, celui des porcs, chevaux et poussins âgés d’un jour jusqu’à 24 heures, celui des animaux non-sevrés jusqu’à 19 heures ;
– Concernant le cas spécifique des lapins, volailles et poussins : interdiction des transports par route de plus de 4 heures et intégration de ces animaux dans les exigences relatives aux systèmes de ventilation et contrôle de température ;
– l’interdiction des transports d’animaux vers les pays tiers. Parce qu’ils sont encore plus susceptibles de faire souffrir les animaux et qu’ils nécessitent le plus souvent un transport maritime, les exportations d’animaux à destination des pays tiers devraient être interdits, en particulier en période de fortes chaleurs.
Vous pouvez agir !
Une pétition est en ligne pour soutenir nos demandes, à signer et à partager massivement !
Pour agir face aux nombreux décès d’animaux d’élevage durant leur transport en raison de fortes chaleurs, Welfarm a lancé, en juillet 2020, l’application TruckAlert, qui permet de signaler les transports d’animaux vivants par plus de 30 °C. Cette appli est toujours disponible gratuitement sur l’AppStore et le PlayStore.
(1) Règlement (CE) n°1/2005, ann. II, ch. VI, art. 3
(2) Arrêté du 22 juillet 2019 restreignant le transport routier d’animaux vertébrés terrestres vivants durant les épisodes caniculaires, JORF n°0169, 23 juillet 2019, t. n°40