Plan gouvernemental de reconquête de notre souveraineté sur l’élevage : un rendez-vous manqué avec le bien-être animal

Parmi les réponses apportées par le Gouvernement pour tenter de répondre à la colère des agriculteurs, le Plan gouvernemental de reconquête de notre souveraineté sur l’élevage a été publié le 24 février 2024. Un texte qui, s’il contient quelques avancées en matière de bien-être des animaux d’élevage, manque cruellement d’ambition.

Annoncé lors du 32e Sommet de l’élevage en octobre 2023, le Plan gouvernemental de reconquête de notre souveraineté sur l’élevage a été renforcé à la suite des annonces de l’exécutif en réponse à la colère des agriculteurs.

Si le Gouvernement propose quelques avancées et affiche une volonté de mettre en avant les normes françaises par rapport à celles des autres États membres de l’Union européennes (UE), il n’est pas question dans ce plan d’améliorer ces normes.

Malheureusement, le bien-être animal ne semble pas faire partie des perspectives du Gouvernement pour l’avenir de l’élevage. En effet, il n’est mentionné qu’à trois reprises dans ce document de 20 pages, organisé autour de cinq axes, dont Welfarm a pris connaissance.

Axe 1 : une ambition assumée et crédible pour l’élevage

Le plan précise que « la consommation de viandes ne doit pas être stigmatisée » et que la réduction de la taille du cheptel national « ne saurait constituer un objectif de politique publique ».

Welfarm ne s’oppose pas à la consommation de produits carnés et autres produits animaux (lait, œufs, etc.), à condition qu’ils soient issus d’animaux élevés avec des standards élevés de respect du bien-être animal. Il est donc indispensable qu’une transition s’opère de l’élevage intensif vers l’élevage extensif, avec une réduction significative des densités et un accès à l’extérieur pour tous les animaux.

Le texte indique par ailleurs que l’impact du changement climatique doit être pris en compte dans les plans d’adaptation au changement climatique. Welfarm est d’accord avec le Gouvernement sur ce point, mais regrette que l’impact sur le bien-être des animaux ne soit pas mentionné. Des mesures doivent être prises sans délai : là encore, la réduction des densités dans les élevages est un levier essentiel.

Une « ambition assumée et crédible », donc… qui manque finalement d’ambition.

Axe 2 : objectiver et promouvoir les apports de l’élevage

L’exécutif souhaite valoriser les normes supérieures respectées par les éleveurs français par rapport aux autres systèmes de production, notamment en publiant sur le site Internet du ministère de l’Agriculture « une comparaison de la réglementation française avec celle en vigueur dans différents pays tiers ».

Il s’agit d’une démarche à double tranchant, car si l’élevage français est parfois mieux-disant en matière de bien-être animal, ce n’est pas toujours le cas. En effet, par exemple, dans l’Hexagone, les poulets de chair sont souvent élevés aux densités maximums autorisées par l’UE ; les truies sont encore élevées en stalles en France, quand l’Allemagne a élaboré un plan pour les sortir des stalles d’ici à 2025.

Il serait plus productif que le Gouvernement travaille à améliorer les normes existantes plutôt que dépenser son énergie à communiquer sur ces dernières.

Par ailleurs, pour plus d’objectivité, Welfarm appelle le gouvernement à comparer les normes françaises de bien-être animal au regard des normes mieux-disantes qui existent dans bon nombre de pays européens. À ce sujet, le rapport publié en 2022 par le CGAAER est particulièrement instructif.

Axe 3 : améliorer le revenu des éleveurs, y compris en renforçant la compétitivité des filières d’élevage

Il est indiqué dans le plan que le Gouvernement souhaite accompagner les acteurs de la restauration collective pour atteindre les objectifs des lois Egalim, c’est-à-dire, notamment, intégrer davantage de produits durables et de qualité dans les menus.

Il s’agit d’un point essentiel, et il est primordial d’inclure véritablement dans ces produits durables et de qualité ceux issus d’animaux dont le bien-être a été respecté à toutes les étapes de leur vie. Sur ce point Welfarm peut d’ailleurs accompagner les collectivités par le biais de sa démarche ETICA.

Le ministère de l’Agriculture souhaite « repenser le réseau des établissements d’abattage de boucherie dans le cadre d’une approche territorialisée ». À ce sujet, Welfarm recommande l’élevage et l’abattage des animaux sur le même bassin territorial, notamment pour diminuer les temps de transport des animaux. Le nombre d’abattoirs en France s’est réduit comme peau de chagrin ces dernières années. Nous n’en comptons plus que 233 au niveau national, ce qui allonge d’autant plus les temps de transport des animaux.

Le texte indique ensuite qu’il est nécessaire de « renforcer la collaboration entre les services publics et les organisations professionnelles pour lever les barrières sanitaires à l’export ». Welfarm est opposée à cette volonté et souhaite l’interdiction des exportations d’animaux vivants vers les pays tiers.

Le Gouvernement souhaite défendre la réciprocité des normes afin de protéger les producteurs français de la concurrence déloyale. Des clauses miroirs qui porteraient notamment sur le bien-être animal, ce que Welfarm réclame depuis longtemps.

L’exécutif donne l’exemple de la révision de la législation sur le transport d’animaux vivants : en plus de la réciprocité, il souhaite que toute nouvelle norme soit fondée scientifiquement et appuyée sur une étude d’impact économique en termes de soutenabilité. Welfarm est d’accord avec ce raisonnement, c’est pourquoi nous pensons que cette révision doit aller encore plus loin et s’aligner totalement avec les recommandations de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), par exemple sur les limites de températures pour le transport d’animaux.

Axe 4 : accroître l’attractivité du métier d’éleveur

Alors que le Gouvernement vante les mérites des normes supérieures en France, il souhaite dans le même temps les affaiblir. L’exécutif souhaite notamment un décret pour harmoniser les seuils d’évaluation environnementale des élevages français avec les seuils européens, qui sont moins-disants. Le texte cite notamment :

« • les élevages de porcs français sont soumis à une évaluation environnementale systématique dès 2 000 emplacements pour les porcs contre 3 000 emplacements au niveau européen ;

• les élevages de volailles français sont soumis à évaluation environnementale systématique dès 40 000 emplacements contre 85 000 emplacements pour les poulets et 60 000 emplacements pour les pondeuses au niveau européen. »

Un tel décret viendrait faciliter la création d’élevages très intensifs, néfastes en matière de bien-être animal. En effet, une évaluation environnementale permet aussi d’alerter le commissaire-enquêteur sur les risques pour les animaux.

Le Gouvernement souhaite par ailleurs aménager le régime ICPE (installations classées protection de l’environnement) applicable aux piscicultures afin de faciliter le développement de l’activité aquacole. Welfarm alerte sur le risque d’une modification des tonnages qui font le basculement entre le régime de déclaration et d’autorisation, qui pourrait faciliter la création d’élevages piscicoles à très fortes densités, qui posent de nombreux problèmes an matière de bien-être des poissons.

Axe 5 : Repenser l’élevage au cœur de la transition écologique

À nouveau, le texte mentionne l’adaptation des élevages au changement climatique, mais sans parler de bien-être animal. Pourtant Welfarm a été force de proposition depuis plusieurs années avec sa campagne Chaud Dedans.

Rendez-vous manqué

Welfarm déplore le manque d’ambition de ce plan gouvernemental en matière de respect du bien-être animal, et rappelle que ce dernier est tout à fait compatible avec la souveraineté alimentaire. Il est pour cela nécessaire de repenser en profondeur les modèles agricole et alimentaire pour s’orienter vers des modes de production résilients et une consommation adaptée, qui permettent de concilier ces deux objectifs (voir notre décryptage).