Dans un contexte où environ 70 % de la viande chevaline consommée en France ‒ soit plus de 7 000 tonnes ‒ est importée, Welfarm dévoile de nouvelles enquêtes d’Animal Welfare Fondation/Tierschutzbund Zürich sur les conditions de regroupement et d’abattage de chevaux en Uruguay, l’un des principaux exportateurs de viande chevaline en France.
Des barquettes imprimées imitant un tissu vichy qui évoque la tradition française et les pique-niques dominicaux : c’est le packaging fréquemment utilisé dans les grandes surfaces pour commercialiser la viande chevaline. Mais derrière l’emballage, on est bien loin de l’art de vivre à la française et des prairies verdoyantes de carte postale.
La plupart du temps, la viande commercialisée provient du Nouveau monde, notamment d’Argentine, du Canada et d’Uruguay. Or, les conditions de détention et d’abattage des équins dans ce pays d’Amérique du Sud sont bien loin des standards européens en matière de protection animale, même lorsque les abattoirs dont proviennent les carcasses sont agréés par l’Union européenne.
L’Uruguay, un enfer pour les chevaux
Plusieurs enquêtes menées depuis 2021 par Animal Welfare Fondation/Tierschutzbund Zürich (AWF/TSB) avec le soutien de Welfarm mettent un coup de projecteur sur les conditions d’abattage des chevaux en Uruguay.
Battus, émaciés, blessés, parfois gravement, laissés sans soins dans les pâtures, les chevaux abattus en Uruguay sont régulièrement détenus dans les abattoirs dans des conditions déplorables avant d’être mis à mort (manque d’eau, de nourriture, de soins, d’accès à l’ombre et à des abris contre les intempéries…).
Ces animaux ne sont d’ailleurs pas élevés pour l’alimentation humaine : il peut s’agir de chevaux de trait réformés, de juments issues de fermes à sang, de chevaux de course trop vieux pour la compétition, etc.
Des conditions qui ne semblent pas émouvoir certains acteurs économiques français, qui n’y voient qu’un marché parmi d’autres. En effet, dans certains cas le rôle d’entreprises françaises est central sur ces importations, de l’abattoir à la distribution en France, en passant par l’importation et le conditionnement.
Un marché juteux pour la SNVC
Par exemple, la Société Normande de Viandes et Courtages (SAS SNVC), basée à Toutainville, dans l’Eure, commercialise de la viande chevaline en provenance de l’abattoir Clay, importée par la société d’import-export de viande P. Harinordoquy & fils, basée à Bordeaux. Or, l’abattoir Clay et les deux entreprises françaises appartiennent tous les trois à l’entrepreneur français Yon Harinordoquy. Le Groupe Harinordoquy contrôle donc une grande partie de la filière, de l’abattage en Uruguay jusqu’à l’assiette du consommateur français.
L’enquête d’AWF/TSB en Uruguay a été menée dans les trois abattoirs du pays approuvés par l’Union européenne : Sarel, El Amanecer et… Clay, l’abattoir détenu par le Groupe Harinordoquy. La SNCV, qui commercialise en France la viande chevaline en provenance de cet abattoir, ne peut donc qu’être au fait des conditions de détention et d’abattage des chevaux sur le site uruguayen.
Des abattoirs sous les radars de la Commission européenne
AWF/TSB a documenté de nombreuses maltraitances sur les animaux regroupés à proximité des abattoirs : manque d’eau et de nourriture, y compris pour les juments gestantes, nombre d’abris insuffisants, voire pas d’abris dans la plupart des pâtures, boiteries, blessures, plaies ouvertes non soignées, œdèmes, pas de traitement de la douleur, chevaux émaciés, frappés, parfois très violemment, transport sans protection contre les intempéries, etc.
Des maltraitances cachées lors des audits des inspecteurs européens, dont les visites sont toujours annoncées à l’avance, a constaté AWF/TSB : animaux présents en bonne condition physique, distribution de fourrage…
La France, gros client de l’Uruguay
La viande issue de l’abattoir Clay est exportée en France, puis vendue par la SNCV aux acteurs de la grande distribution. Ces dernières années, des barquettes de viande chevaline en provenance d’Uruguay de la SNCV ont ainsi été trouvées chez plusieurs distributeurs, comme Match, Leclerc ou Auchan.
D’autres distributeurs vendent de la viande en provenance d’Uruguay commercialisée par divers fournisseurs français. Des barquettes de la société Pégase ont été trouvées chez Carrefour et Cora ; d’autres, de la société Sovica Lottin, chez Grand Frais.
Welfarm a pourtant alerté à plusieurs reprises les distributeurs français sur les conditions de détention et d’abattage des chevaux en Amérique du Sud.
6 millions de Français consomment aujourd’hui de la viande chevaline. Des consommateurs qui ignorent le calvaire vécu par les chevaux dans ce pays et les pratiques cruelles qu’ils financent par leur acte d’achat.
En 2021, la France a importé pour 47,5 millions de dollars de viande chevaline, soit environ 70 % de la consommation nationale. Elle est ainsi le troisième plus grand importateur au monde, après l’Italie (115 millions), et la Belgique (66,2 millions). Elle en importe principalement en provenance de Belgique (22 millions – étant précisé que la Belgique a importé cette année-là pour 11,1 millions de dollars de viande chevaline en provenance d’Uruguay), d’Uruguay (10,4 millions), d’Argentine (3,32 millions), des Pays-Bas (2,58 millions) et du Canada (1,81 million). Le marché qui s’est le plus développé à l’import en France est l’Uruguay (+ 6,9 millions entre 2020 et 2021)1.
Nécessaire interdiction des importations
Welfarm demande, idéalement au niveau européen, au minimum au niveau français, d’interdire les importations de viande chevaline en provenance d’États qui ne respectent pas des normes élevées de protection animale en abattoir.
L’association avait déjà prouvé la nécessité d’une telle interdiction l’année dernière en pointant du doigt les conditions de détention et d’abattage des chevaux en Argentine. Elle justifie à nouveau cette mesure aujourd’hui au regard de ce qui se passe en Uruguay.
(1) Source : Observatory of Economic Complexity