Le développement de l’élevage de poissons carnivores pose de nombreux problèmes en matière de bien-être animal et d’environnement. L’alimentation de ces poissons, notamment, n’est pas sans conséquences sur les populations de poissons sauvages et de crustacés, qui payent un lourd tribut pour produire les farines et huiles de poisson utilisées en aquaculture.
La majorité des poissons élevés pour l’alimentation humaine en France et en Europe appartiennent à des espèces carnivores. C’est notamment le cas des bars, des daurades, des truites et des saumons, principales espèces élevées dans l’Hexagone.
La carpe commune est la seule espèce à dominante herbivore élevée en Europe de manière significative, mais sa production et sa consommation sont peu développées en France.
Nourrir des millions de poissons carnivores destinés à la consommation humaine implique de produire des huiles et des farines de poisson. Pour y parvenir, en 2020, 16 millions de tonnes de poissons et autres animaux aquatiques ont été pêchés, soit 17,7 % du volume des captures de la pêche mondiale, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
Lorsque des poissons sont pêchés pour produire des huiles et farines, majoritairement utilisées pour l’alimentation des poissons carnivores d’élevage, on parle de pêche minotière et de poisson fourrage.
Or, ce type de pêche a des effets délétères à plusieurs niveaux.
La pêche minotière pose trois problématiques
1. Souffrance animale
Selon l’ONG britannique Fishcount, entre 410 et 1 100 milliards de poissons sauvages sont sacrifiés chaque année pour nourrir les poissons d’élevage. Ces animaux subissent très souvent de grandes souffrances lors de leur capture et au moment de leur abattage :
• blessures lors des interactions avec les engins de pêche ;
• épuisement des poissons qui se débattent (parfois des heures, voire des jours) dans les filets avant la remontée ;
• chocs de pression (barotraumatisme) et chocs thermiques dus aux différentiels de pression et de température entre la profondeur et la surface lors de la remontée des poissons ;
• compression des poissons les uns sur les autres dans les salabardes (grandes épuisettes) utilisées pour remonter les poissons à bord ;
• exposition à l’air ;
• abattage sans étourdissement par asphyxie à l’air libre ou par saignée. Quelques rares navires de pêche étourdissent les poissons avant abattage, mais la pratique reste extrêmement marginale.
2. Enjeux environnementaux
La pêche minotière pose également un certain nombre de problèmes d’ordre environnemental :
• 90 % du volume des captures de la pêche minotière sont des espèces directement consommables par les humains. La pêche minotière représente donc une forme de gaspillage de ressources et de vies animales ;
• de plus, s’il existe certaines pêcheries sous quotas non surexploitées, une large partie des entreprises impliquées dans la pêche minotière à travers le monde sont accusées de contribuer à la surpêche ;
• enfin, les espèces ciblées par la pêche minotière étant situées pour la plupart en bas de la chaîne alimentaire, la baisse de leur population a un impact sur la disponibilité de nourriture pour leurs prédateurs naturels.
3. Problèmes de justice sociale
La pêche minotière peut entrer en concurrence directe avec la pêche vivrière. En effet, une large partie des prélèvements de la pêche minotière sont effectués dans les eaux côtières des pays du Sud global souvent en proie à des problèmes de sécurité alimentaire, comme c’est le cas en Afrique de l’Ouest, notamment.
On assiste alors à une compétition entre pêche minotière pour nourrir les poissons d’élevage des pays les plus riches et pêche pour la consommation directe des populations locales. Par exemple, selon l’ONG Feedback, le volume annuel total des captures de la pêche minotière en Afrique de l’Ouest (zone de capture FAO 34) pourrait satisfaire les besoins annuels d’environ 33 millions de personnes dans la région.
Végétalisation problématique pour la santé et le bien-être des poissons carnivores
Alors que dans les années 1990, l’aliment des salmonidés d’élevage était composé de 65 à 90 % de farines et huiles de poisson, aujourd’hui, cette proportion n’est plus que de 20 à 25 %. La part restante est constituée principalement d’ingrédients végétaux.
Si l’on peut se réjouir de cette baisse d’utilisation des farines et huiles de poisson par rapport aux problématiques posées par la pêche minotière, la végétalisation de l’alimentation des poissons carnivores n’est pas une bonne nouvelle pour leur santé et leur bien-être.
En effet, les ingrédients végétaux contiennent des composants appelés facteurs antinutritionnels qui perturbent la digestion et l’absorption des autres nutriments. Ces facteurs antinutritionnel ont des effets délétères sur le bien-être des poissons carnivores lorsque l’aliment est fortement végétalisé (plus de 50 % d’ingrédients végétaux). Les conséquences sont les suivantes :
• entérite (irritation des intestins par le soja, en particulier chez les saumons) ;
• comportement apathique (manque d’énergie) ;
• baisse de la prise alimentaire, en partie car l’aliment végétalisé est moins palatable (c’est-à-dire moins agréable au goût et donc moins appétissant pour les poissons) ;
• ralentissement de la croissance ;
• facteur de risque pour les difformités squelettiques.
Ces effets négatifs s’expriment à des degrés variables en fonction de la proportion des ingrédients végétaux dans l’aliment et selon que l’on mette en œuvre ou non certaines techniques permettant de les limiter.
Des ingrédients alternatifs coûteux et peu disponibles
Des ingrédients alternatifs existent, mais sont peu utilisés par les fabricants d’aliment pour des raisons de coût et/ou de disponibilité (coproduits de poisson destiné à la consommation humaine ; protéines issues de levures, de champignons ; farines d’insectes ; huiles de microalgues, protéines de bactéries, etc.).
D’autres ingrédients alternatifs, les coproduits d’animaux terrestres (protéines animales transformées), sont plus accessibles en matière de prix et de volume, mais souffrent d’une mauvaise image liée à la crise de la vache folle. Une situation qui conduit beaucoup de professionnels à les éviter. Pourtant, les progrès scientifiques et règlementaires des vingt dernières années permettent aujourd’hui de maîtriser les risques. Welfarm est donc favorable à leur utilisation pour les poissons carnivores.
Welfarm s’oppose à la création de nouveaux élevages de poissons carnivores
L’ONG encourage donc à réduire la production et la consommation de poissons carnivores, et se positionne contre la création de nouveaux élevages aquacoles d’animaux appartenant à des espèces carnivores ou à dominante carnivore.
Welfarm encourage la substitution des élevages de poissons carnivores par le développement de l’élevage extensif d’espèces à dominante herbivore, comme les carpes, encore anecdotique en France avec 1 254 t produites en 2021, selon Agreste.
D’autre part, en ce qui concerne les élevages existants de poissons carnivores, Welfarm encourage à réduire autant que possible la part du poisson fourrage dans la composition de l’aliment des poissons carnivores dans la limite du respect de leurs besoins nutritionnels, c’est-à-dire en utilisant des ingrédients alternatifs autres que des végétaux terrestres.