En France 27 % des poules pondeuses encore élevées en cage, dans des conditions incompatibles avec leur bien-être.

Poules pondeuses
©spirenko

Sommaire

La poule, un animal curieux aux capacités cognitives longtemps méconnues

La poule domestique (Gallus gallus domesticus), a pour ancêtre le coq doré (Gallus gallus), espèce originaire d’Asie du Sud-Est. Le coq doré fait partie de la famille des Phasianidae, qui regroupe des oiseaux gallinacés comme les cailles, les faisans ou encore les paons. Comme ces derniers, il fréquente les zones boisées et plus particulièrement les clairières et la lisière des bois. La poule domestique montre également une préférence pour ce type d’environnement.

Les poules domestiques passent une grande partie de leur journée à se déplacer en grattant et picorant le sol pour explorer et se nourrir. Elles consacrent également beaucoup de temps à l’entretien de leur plumage, et autres comportements dits de confort. Lissage des plumes, étirements et battements d’ailes, bains de poussière et bains de soleil, sont autant d’activités essentielles à leur bonne santé et à leur bien-être. Les poules aiment également se percher en hauteur pour se protéger des prédateurs, en particulier durant le repos nocturne.

Un animal social

La poule est un animal social qui vit en petites bandes familiales. Elles nouent des relations sociales complexes grâce à leur capacité à reconnaître individuellement les membres de leur groupe. La cohésion sociale repose sur les liens affiliatifs et les relations hiérarchiques qui s’établissent entre les poules.

Pour communiquer, outre les signaux posturaux, les poules disposent d’un riche répertoire vocal, et les poussins communiquent entre eux et avec leur mère par des pépiements avant même leur sortie de l’œuf !

Poules en plein air qui font un bain de poussière
©Stibat Studio

Un comportement de nidification particulier

Les poules cherchent des lieux calmes, isolés, légèrement sombres et pourvus d’un sol mou et confortable pour faire leur nid. Cette recherche, plus ou moins longue selon les opportunités qu’offre l’environnement, s’accompagne de postures et de vocalisations caractéristiques du comportement de nidification qui précède la ponte.

Des capacités cognitives longtemps sous-estimées

Elle fait preuve de capacités cognitives étonnantes(1) :

  • la poule est capable de reconnaître 100 individus (poules et humains) ;
  • elle est capable de mémoriser des ronds de couleur ;
  • elle est capable de comprendre qu’un objet caché existe toujours (elle le cherche) ;
  • les poussins savent compter au moins jusqu’à 5.

Pratiques d’élevage de poules pondeuses en France

L’élevage en cages recule, mais…

Depuis 2012, la directive européenne 1999/74/CE interdit l’élevage de poules en cages conventionnelles au niveau communautaire, mais il est toujours possible d’élever ces animaux en « cages aménagées ». Ces cages doivent comprendre 15 cm de perchoir par poule, de la litière utilisée comme aire de grattage, un espace minimum de 750 cm2 par poule, ainsi qu’un dispositif de raccourcissement des griffes. 

Si ces aménagements ont pu améliorer certains aspects des conditions de vie des poules par rapport aux cages dites conventionnelles, ces conditions de détention demeurent inadaptées aux caractéristiques biologiques et comportementales de cette espèce.

En outre, ces équipements ne sont pas toujours appropriés ou opérationnels. Les perchoirs sont posés à quelques centimètres seulement du sol alors que les poules aiment se percher en hauteur pour se sentir en sécurité. Deux problèmes majeurs étaient par ailleurs déjà soulignés en 2014 dans un rapport de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l‘alimentation, de l‘environnement et du travail) : les poules disposent très rarement de litière et la zone appelée « nid » n‘est pas toujours conforme aux exigences réglementaires. Les poules en cage ne peuvent donc ni gratter ni picorer sur un substrat réellement adapté et encore moins prendre des bains de poussière.

Elevage de poules en cages
©TTstudio

Dans ce type d’élevage, les poules sont élevées en bâtiment détenant souvent plus de 50 000 poules dans des cages alignées sur plusieurs niveaux. La surface minimale par poule équivaut à celle d’une feuille A4 : 750 cm². Limitées dans leurs mouvements et ne pouvant exprimer les comportements indispensables à leur bien-être, tels que prendre des bains de poussière ou s’isoler dans un endroit calme pour pondre, les poules détenues dans ces conditions éprouvent quotidiennement de nombreuses frustrations et stress. En 2023, 27 % des poules pondeuses en France étaient encore détenues dans ce type d’élevage, contre 68 % en 2016(2)

Une évolution positive due au travail de sensibilisation mené par les ONG de protection animale et par la prise de conscience des consommateurs qui se tournent de plus en plus vers les œufs issus d’élevages plus vertueux, ce qui a conduit de nombreuses entreprises de la distribution ou de l’agroalimentaire à s’engager à éliminer progressivement les œufs issus de poules en cage de leurs approvisionnements.

L’élevage avec accès à l’extérieur gagne du terrain

Les consommateurs plébiscitent aujourd’hui les élevages avec accès à un parcours extérieur (codes 0 et 1), et la part des poules élevées dans ces élevages a fortement progressé ces dernières années : 47% en 2023 contre 25% en 2016 d’après les données statistiques avicoles.

Les oiseaux ont accès à un environnement plus riche et plus naturel ce qui leur permet d’exprimer une plus grande variété de comportements. Leurs conditions de vie s’en trouvent très nettement améliorées, et leur bien-être également.

Poule couchée dans l'herbe
©goldbany

Durant la journée, les poules sortent et rentrent librement dans le bâtiment. La densité sur les parcours est réglementée : en élevage « plein air » et en élevage biologique, chaque poule doit disposer au minimum de 4 m², et en élevage label Rouge de 5 m². Le terrain doit offrir des abris contre les intempéries et contre les prédateurs, et en élevages labellisés, la réglementation impose qu’il soit couvert de végétation sur la majeure partie. Mais pour que les poules profitent réellement des avantages du parcours et pour les inciter à sortir du bâtiment, elles doivent y trouver de nombreux abris, naturels ou artificiels car elles craignent d’être en terrain découvert. Les plus prudentes n’oseront pas s’aventurer au-delà des abords immédiats du bâtiment si elles ne peuvent se réfugier sous un abri dans un rayon de 10-15 mètres. D’autres risquent de rester à l’intérieur par peur de s’exposer à d’éventuels dangers.

L’élevage au sol progresse également

Enfin, toujours en 2023, 26 % des poules étaient élevées « au sol », c’est-à-dire dans un bâtiment sans accès à l’extérieur, contre 6 % en 2016. Dans ce type d’élevage, les poules peuvent circuler librement dans le bâtiment, mais elles n’en sortent jamais. Outre des perchoirs et des nids, elles doivent disposer de litière sur au moins 1/3 de la surface du bâtiment pour leur permettre de gratter et picorer le sol, et de prendre des bains de poussière. Mais, comme leurs congénères élevées en cage, ces poules ne connaissent que l’atmosphère confinée du bâtiment et ne bénéficient pas des nombreux bienfaits de l’accès à l’extérieur. La densité y est par ailleurs élevée, avec 9 poules par m² de surface utilisable.

Poules en bâtiment au sol
©Jean-Luc

De nombreux élevages au sol sont aménagés « en volière ». Dans le bâtiment sont installées de grandes structures métalliques constituées de plateformes superposées, équipées de mangeoires, d’abreuvoirs et de nids. Les poules peuvent circuler entre les étages et voler d’un module à l’autre et ainsi exploiter l’espace verticalement. L’espace gagné en hauteur ne profite toutefois pas entièrement aux poules puisque l’aménagement en volière permet d’augmenter la densité jusqu’à 18 oiseaux par m² de surface au sol.

Interdiction du broyage des poussins mâles, oui mais…

Depuis le 1er janvier 2023, l’élimination des poussins mâles des lignées de l’espèce Gallus gallus destinées à la production d’œufs de consommation issus de couvoirs est interdite en France(3). Cette pratique existait dans la filière poules pondeuses car les mâles des souches de volailles utilisées pour la ponte d’œufs de consommation ne sont pas rentables à être engraissés pour leur chair. La filière a donc développé des machines pour sexer les embryons dans les œufs. Les œufs « mâles » sont ainsi écartés avant éclosion.

Malheureusement des dérogations existent. Il est toujours possible de tuer des poussins mâles notamment s’ils sont issus d’œufs blancs tant qu’une méthode d’ovosexage satisfaisante n’est pas disponible pour ces oeufs ; s’ils sont issus d’erreurs de sexage pour les œufs bruns ; ou s’ils sont utilisés à des fins scientifiques (industrie pharmaceutique…)(4).

Toutes ces dérogations font que, dans les faits, de nombreux poussins continuent à être mis à mort légalement chaque année en France.

Poussins
©CallallooAlexis

L’épointage, une mutilation inacceptable

Quel que soit le mode d’élevage, même labellisé, l’épointage des poules est autorisé. Il consiste en l’ablation de la pointe du bec pour prévenir le picage des plumes et limiter ses conséquences. Le picage est un trouble du comportement qui consiste à piquer et arracher les plumes des congénères. Il peut évoluer en cannibalisme : toute trace de saignement, notamment occasionnée par le picage, mais parfois aussi la zone cloacale, devient la cible des coups de bec, provoquant d’importantes douleurs et parfois la mort. Mais l’épointage agit seulement sur le symptôme et n’élimine pas les causes du picage, qui sont principalement liées aux conditions de vie des poules en élevage.

L’origine du picage est multifactorielle, sa prévention suppose de revoir la conception et la conduite des élevages, tant pour les poulettes que pour les poules pondeuses, sur plusieurs points conjointement. Composition de l’alimentation, éclairage, ambiance dans le bâtiment, densité, prévention du parasitisme, ou encore choix de la souche sont des paramètres essentiels, mais des aménagements, comme la mise à disposition de matériaux à explorer et à picorer, de substrats adaptés pour les bains de poussière, ou encore une meilleure structuration de l’espace, sont tout aussi indispensables. L’accès à une véranda, y compris lorsque les poules disposent d’un parcours extérieur, contribuerait également à prévenir ce trouble du comportement.

Si les études sur le picage et sa prévention se sont multipliées ces dernières années, les poussins de la filière pondeuses sont aujourd’hui encore toujours épointés. L’épointage du bec est fait au couvoir, avant le transfert des poussins dans les élevages de poulettes, donc le plus souvent à l’âge d’un jour. Dans la filière poules pondeuses, l’épointage est réalisé avec la technique dite à rayons infrarouges. Les rayons altèrent les tissus de la pointe du bec qui tombera deux à trois semaines plus tard. Si cette technique est moins douloureuse, pendant et après l’intervention, que l’épointage à la lame chauffante, cette mutilation reste inacceptable.

Gros plan d'une poule
©Matauw

Le bec est un organe innervé, donc sensible, impliqué dans une grande variété de comportements. La poule l’utilise dans de nombreuses activités avec une très grande précision : explorer son environnement, interagir avec ses congénères, sélectionner ses aliments, lisser ses plumes ou encore retirer les parasites de son plumage… L’ablation de l’extrémité du bec a pour conséquence directe la perte de certaines capacités sensorielles, et lorsque la partie supérieure du bec est plus courte que la partie inférieure, ce qui est fréquent, la poule ne peut pas l’utiliser telle une pince comme elle le fait normalement.

L’élevage de poules non épointées est pourtant possible. Plusieurs pays d’Europe ont déjà interdit cette mutilation, depuis bien longtemps pour certains (Norvège en 1974, Finlande et Suède à la fin des années 1980). 

Enjeux de bien-être animal et recommandations de Welfarm

Avec parcours extérieur (œufs code 1 et 0)

Dans certains élevages, il n’y a pas suffisamment d’abris naturels ou artificiels dans les parcours pour que les poules s’y sentent en sécurité, des abris ou zones de refuge devraient notamment être disponibles aux abords immédiats des trappes de sortie.

La densité à l’intérieur des bâtiments pose problème lorsque les poules sont confinées (épisodes de grippe aviaire ou conditions climatiques défavorables), et Welfarm recommande l’ajout de vérandas également dans les élevages plein air afin de permettre aux poules d’accéder à un espace à l’air libre le cas échéant.

C’est toutefois le mode d’élevage qui répond le mieux aux besoins physiologiques et comportementaux des poules.

Welfarm recommande d’acheter des œufs issus d’élevage avec   accès à l’extérieur et des produits contenant ces œufs en première intention.

Élevage au sol (œufs code 2)

Les poules y sont élevées à de très fortes densités et n’ont jamais accès à un parcours extérieur.

L’achat d’œufs provenant d’élevages au sol n’est, pour Welfarm, envisageable qu’en seconde intention, en cas par exemple de rupture de stocks pour les œufs de poules élevées en plein air, et devrait concerner uniquement des élevages au sol offrant aux poules un accès à l’air libre grâce à la présence de vérandas.

Élevage en cage (œufs code 3)

Les conditions de détention des poules dans ces élevages sont inadaptées aux caractéristiques biologiques et comportementales des poules. L’élevage en cage est contraire à leur bien-être. Outre l’impossibilité de se déplacer librement faute d’espace suffisant, les contraintes et frustrations qu’elles subissent sont nombreuses :

  • les perchoirs sont posés à seulement quelques centimètres du sol, une hauteur insuffisante pour que les oiseaux s’y sentent en sécurité ;
  • impossibilité pour les poules de gratter, de picorer ou de prendre des bains de poussière, ce qui induit un état de frustration et de stress ;
  • aucune activité physique possible et rythme élevé de production à l’origine d’une fragilité osseuse ;
  • lumière artificielle peu intense pour limiter le picage (trouble du comportement qui consiste à  piquer et arracher les plumes des congénères), et programme lumineux destiné à stimuler la ponte.

Welfarm recommande de bannir les œufs issus de ces élevages.

Développer l’accès à l’air libre

© Nicolas Hunerblaes pour Welfarm

Consom’action

Par vos actes d’achat, vous pouvez agir pour une meilleure prise en compte du bien-être des poules pondeuses :

  • Déchiffrer les codes imprimés sur les œufs et choisir les œufs de poules élevées en plein air (code 1 ou 0).
Sur l’œuf (1er caractère du code)Sur la boîte
0Œufs de poules élevées en plein air +agriculture biologique
1Œufs de poules élevées en plein air
2Œufs de poules élevées au sol
3Œufs de poules élevées en cage

Attention, on trouve aussi des œufs de poules élevées en cage sur les marchés ! Le bon réflexe : chercher le code ! Car les œufs vendus sur les marchés doivent également être marqués, même si l‘éleveur écoule toute sa production en vente directe.

  • Être attentif à la provenance des œufs dans les produits transformés (biscuits, mayonnaise, glaces, pâtes…). Les industriels ne sont pas obligés d’indiquer le type d’élevage : quand c’est indiqué, c’est toujours plein air ou bio pour valoriser le produit. Par exemple, les marques Lesieur, Amora et certaines marques de distributeurs utilisent uniquement des œufs plein air dans leurs mayonnaises.
  • Visiter la page consomm’acteur.
  • Contacter les acteurs de l’agroalimentaire et de la grande distribution pour leur demander d’utiliser des œufs plein air dans la composition des produits transformés, et que ce soit indiqué sur l’emballage le cas échéant.
  • Suivre les actualités de Welfarm, s’abonner à la newsletter de l’association.
  • Informer son entourage sur la réalité de l’élevage en cage.

Comment agit Welfarm ?

À sa création, en 1994, Welfarm a mené sa première campagne qui visait à obtenir l’interdiction des cages en batterie pour les poules pondeuses.

En 2014, Welfarm a mené campagne contre les œufs de poules en batterie dans les mayonnaises industrielles. Nous avons demandé à la marque Benedicta d’utiliser des œufs de poules élevées en plein air dans ses mayonnaises. Suite notamment à notre action, Benedicta a renoncé aux œufs de poules en cage en 2017.

En 2015, suite notamment aux campagnes de Welfarm, deux chaînes de supermarchés cessent de distribuer des œufs de poules élevées en cages.

En 2016, la mascotte de Welfarm, Wonderpoule, fait le tour de France avec des stands dans les supermarchés et les centres commerciaux pour sensibiliser les consommateurs.

En 2019, Welfarm lance sa campagne « Libérez la poule » sur les œufs et les ovoproduits, avec l’envoi d’une pétition au président de la République pour qu’il tienne ses engagements de 2017 concernant l’interdiction de la vente d’œufs de poules élevée en batterie. 

En 2021, Welfarm propose sa mallette pédagogique « La poule & l’œuf » aux enseignants. Une séquence pédagogique clé en main qui s’intègre parfaitement dans les programmes scolaires et qui aborde la biologie des poules, leur comportement et leurs modes d’élevage.

En 2025, Welfarm a lancé sa nouvelle campagne « Wonderpoule :Mission plein air, pour sensibiliser le public sur l’importance de la provenance des œufs utilisés dans les produits transformés.

Pour aller plus loin

(1) https://chaire-bea.vetagro-sup.fr/fiche-elevage-tout-savoir-sur-lelevage-de-poules-pondeuses/

(2) CNPO, dossier de presse, juin 2024

(3) https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT00004512475

(4) https://chaire-bea.vetagro-sup.fr/fin-de-la-mise-a-mort-des-poussins-males-dans-la-filiere-poule-pondeuse/