Projet de loi d’orientation agricole : un rendez-vous manqué avec le bien-être animal

Le projet de loi d’orientation agricole présenté début avril 2024 en Conseil des ministres manque de cohérence et d’ambition, notamment en matière de prise en compte du bien-être animal dans la politique agricole française. Pire, le texte laisse présager un recul en la matière en facilitant le développement des élevages industriels, au mépris des demandes sociétales.

Vaches sur stabulation
Le projet de loi pourrait faciliter l’installation d’élevages intensifs. © Jef 77

Alors qu’il avait l’occasion d’améliorer la condition des animaux d’élevage, le Gouvernement a choisi de ne pas placer le bien-être animal dans ses priorités pour l’agriculture de demain.

Le projet de loi d’orientation agricole présenté le 3 avril 2024 en conseil des ministres ne mentionne en effet qu’une seule fois le bien-être animal, à l’article 3 sur l’enseignement et la formation des professionnels.

Un rendez-vous manqué qui prend la forme d’un désaveu des demandes sociétales en faveur d’une meilleure prise en compte du bien-être des animaux d’élevage. L’inaction de l’exécutif dans ce domaine est synonyme de grandes souffrances pour ces animaux.

La souveraineté alimentaire, un concept galvaudé par le Gouvernement

Une fois encore, l’exécutif agite dans ce texte le concept de souveraineté alimentaire qu’il vide de son sens pour pouvoir justifier des reculs environnementaux et sa volonté de faire perdurer un modèle d’agriculture et d’élevage productivistes centré sur les exportations.

En effet dans l’article premier du projet de loi, il est écrit que « les politiques publiques concourent à la protection de la souveraineté alimentaire de la France, en veillant à préserver et améliorer :

– sa capacité à assurer son approvisionnement alimentaire dans le cadre du marché intérieur de l’Union européenne et de ses engagements internationaux, aux fins de fournir à l’ensemble de la population une alimentation saine, sûre, diversifiée, nutritive, accessible à tous tout au long de l’année et issue d’aliments produits de manière durable ;

– sa capacité à surmonter de façon résiliente les crises de toute nature susceptibles de porter atteinte à sa sécurité alimentaire ;

– orienter les politiques alimentaires dans le respect de la stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat. »

Des dimensions éthiques ignorées

Une définition réductrice et erronée de la souveraineté alimentaire , concept développé dans les années 1990 par Via Campesina – un mouvement international qui coordonne des organisations paysannes d’Europe, d’Amérique, d’Afrique et d’Asie – et qui intègre des dimensions éthiques ignorées – à dessein ? – par le Gouvernement : droits des paysans et droit à l’alimentation ; démocratie alimentaire ; fin des pratiques de dumping alimentaire fragilisant les paysans dans les pays tiers ; rééquilibrage des échanges commerciaux au profit d’un commerce plus juste ; réduction de la dépendance aux intrants importés…

La souveraineté alimentaire telle qu’elle est reconnue au niveau international privilégie ainsi des systèmes agricoles qui favorisent l’autonomie, telles que l’agriculture biologique, l’agriculture paysanne, ou encore, en ce qui concerne l’élevage, le pâturage extensif. Des systèmes mieux-disants en matière de bien-être animal qui devrait être davantage soutenus par les pouvoirs publics.

Traitement accéléré des recours et simplification des régimes d’aquaculture

Autre point d’inquiétude, l’article 15 de ce projet de loi qui vise à accélérer la prise de décision en cas de recours contentieux contre les projets d’installation d’élevages. Le texte précise que « le juge des référés statue sur le recours dans un délai d’un mois ». Ce délai raccourci peut faire craindre une évaluation trop rapide des impacts potentiels des projets d’élevages industriels.

L’article 17 vise pour sa part à simplifier les régimes d’aquaculture : il habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures permettant de modifier les règles applicables aux installations aquacoles classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et aux installations, ouvrages, travaux ou activités ayant une incidence sur l’eau et les milieux aquatiques (IOTA).

S’il était adopté, ce texte pourrait donc faciliter l’installation de fermes-usines aquacoles telles que les trois grands projets d’élevages hyper-intensifs de saumons auxquels Welfarm s’oppose dans sa campagne « RAS : Tout à signaler ».

Un des objectifs de ce projet de loi est aussi le renouvellement des générations d’agriculteurs. Or, les jeunes générations d’agriculteurs cherchent souvent une meilleure reconnaissance de leur activité et ne veulent plus pratiquer certains gestes, comme la castration des porcelets. En ce sens, une meilleure prise en compte du bien-être animal dans les pratiques d’élevage devrait faire partie de la stratégie de l’exécutif pour attirer les jeunes générations vers le métier d’éleveur.

Il est grand temps que le Gouvernement réponde aux attentes des Français et intègre véritablement le bien-être animal dans la politique agricole française.