Dans le cadre de sa campagne « Chaud Dedans ! » qui vise à mettre un terme aux pires souffrances subies par les animaux d’élevage en période de fortes chaleurs, Welfarm a réuni professionnels et politiques autour d’une table ronde le 22 août dernier. Une occasion unique de présenter les réponses des éleveurs au défi du changement climatique mais aussi de mettre en avant les combats politiques liés à cette question.
La campagne Chaud Dedans ! de Welfarm
Depuis plusieurs années déjà, Welfarm dévoile les violences subies par les animaux transportés par des températures caniculaires. En 2022, notre ONG va plus loin. Welfarm alerte également le grand public et le gouvernement sur les conséquences du réchauffement climatique pour les animaux dans les élevages.
Cet été 2022, durant lequel les épisodes caniculaires se sont multipliés, ne sera plus une exception dans les années à venir mais est amené au contraire à devenir la norme du fait du réchauffement climatique. Tout comme les humains, les animaux souffrent de la chaleur, il est urgent de s’adapter à cette nouvelle réalité. Les trois principales revendications portées par la campagne Chaud Dedans ! sont la réduction des densités dans les élevages, la garantie d’un environnement adapté aux besoins des animaux et l’interdiction des transports par fortes chaleurs.
Lors du webinaire « Mettre un terme aux pires souffrances des animaux d’élevage par fortes chaleurs : le défi de l’adaptation au changement climatique », plusieurs éleveurs sont venus présenter les solutions qu’ils mettent en œuvre, qui vont dans le sens du combat porté par Welfarm.
« L’agroforesterie, c’est la clim’ de nos poules ! »
Pour limiter les souffrances animales liées aux fortes chaleurs en élevage, l’agroforesterie fait consensus parmi les professionnels qui ont participé à notre table ronde. L’agroforesterie est l’association d’arbres et de cultures ou d’animaux sur une même parcelle. Cette pratique ancestrale est aujourd’hui mise en avant car elle permet une meilleure utilisation des ressources et une plus grande diversité biologique. Dans le contexte du réchauffement climatique, elle est aussi un outil pour créer une zone de microclimat qui permet de faire baisser naturellement la température extérieure et augmenter le taux d’humidité.
« L’agroforesterie c’est la clim’ de nos poules ! (…) Quand vous avez un parcours qui est bien arboré vous gagnez facilement 5 degrés », constate ainsi Guillaume Rodier, éleveur de poules en système alternatif et président de l’association Poul’haies Arbres. Il insiste : « Les arbres sont vraiment une clim’, pour peu que ça soit réfléchi et fait correctement. »
Aline Cassan, animatrice-coordinatrice de Bio Cohérence, un label bio, abonde dans ce sens. La plantation d’arbustes et de haies permet aux poules « d’avoir accès à de l’ombre toute la journée ». Elle relate en particulier les pratiques mises en place par les éleveurs labellisés tel que Isabelle, éleveuse de poule pondeuses, qui rapporte que « que toutes les essences n’apportent pas la même fraîcheur, il y a des essences à privilégier plus que d’autres ».
Au-delà d’atténuer les effets de la chaleur, la pratique de l’agroforesterie permet aux animaux d’exprimer leurs comportements naturels (fouille du sol, perchage…). Rappelons toutefois que seuls 20% des poulets de chair élevés en France ont un accès à l’extérieur.
« Je n’ai eu aucune mortalité par rapport aux chaleurs »
Ce qui vaut pour les volailles vaut aussi pour les autres espèces. Ainsi, Rodolphe Oudin, éleveur de porcs 100% plein air dans le Jura est « reparti depuis les besoins de l’animal. Les cochons comme les volailles sont des animaux forestiers. J’ai axé tout mon élevage là-dessus, remettre le cochon à sa place, lui faire adopter au maximum des comportements naturels. » Ainsi, l’élevage en forêt permet de répondre aux besoins d’ombrage des porcs. Des endroits frais où la terre est gardée humide en permanence donnent également aux animaux la possibilité de réguler leur température corporelle. «Je n’ai eu aucune mortalité par rapport aux chaleurs », déclare Rodolphe Oudin.
« Les bâtiments mal conçus, les animaux n’y vont pas »
« Les bâtiments mal conçus, on voit bien que les animaux n’en veulent pas, ils n’y vont pas, alors que des bâtiments bien conçus, bien orientés, ils peuvent y passer une partie de la journée » lors des fortes chaleurs. C’est le constat dressé par Benoît Drouin, éleveurs de bovins et de poulets bios de Loué. L’adaptation au changement climatique dans les élevages ne se limite donc pas à l’aménagement de parcours extérieurs, il est évidemment indispensable de revoir la conception des bâtiments dont beaucoup sont devenus obsolètes.
Réduire les densités dans les élevages est aussi une des clés de cette adaptation, comme le préconise Welfarm. Aline Cassan a ainsi noté que dans les élevages de porcs de Bio Cohérence, un « faible chargement des bâtiments » avait permis d’éviter une hausse de la mortalité en cet été caniculaire. De surcroît, « les bâtiments sont configurés avec des hauteurs importantes », ce qui permet une meilleure ventilation et une pollution à l’ammoniac réduite, précise-t-elle.
Transport : « C’est à l’État de fixer les bonnes pratiques et de les faire respecter »
Le transport par fortes chaleurs est lui aussi une source de grandes souffrances pour les animaux. Son encadrement est éminemment politique. C’est un combat que porte Welfarm aux niveaux national et européen. L’eurodéputée Caroline Roose et la députée Anne Stambach-Terrenoir sont sur la même ligne.
« La réglementation n’est pas adaptée mais en plus elle n’est pas appliquée », constate Caroline Roose. Tout comme Welfarm, elle porte de grands espoirs sur la révision de la législation sur le bien-être animal annoncée par la Commission européenne en 2023. Mettre fin à l’exportation d’animaux vivants à destination des pays tiers (hors UE) pour la remplacer par le transport de carcasses est l’une des priorités, tout comme l’interdiction de tout transport de plus de 8 heures.
En août, Welfarm a ainsi enquêté au port de Sète. Nos conclusions sont sinistres. Alors que les températures ne cessent de grimper, des animaux vivants continuent d’être exportés hors de l’Union européenne dans des cargos-poubelles hors d’âge, dans lesquels on ne chargerait même pas de simples marchandises. Cet été également, des investigations d’ONG ont témoigné du sort terrible réservé à des veaux français transportés pendant plus de 100 heures à destination des îles espagnoles des Canaries.
Pour Anne Stambach-Terrenoir, « c’est tout à fait inacceptable de faire porter la responsabilité aux acteurs de l’élevage ou du transport, c’est évidemment à l’État de fixer les bonnes pratiques et de les faire respecter. » Si la réglementation européenne est insuffisante, de son côté, la législation française ne protège pas assez les animaux et n’empêche pas leur transport par des températures caniculaires, ni pendant de longues durées.
Dans l’optique de la révision de la législation européenne en 2023, la France se doit de montrer l’exemple et d’être un moteur au sein de l’Union européenne pour porter des mesures fortes. Malheureusement, dans les faits, la France est en queue de peloton. Récemment, quatorze ministres de l’Agriculture européens ont apporté leur soutien à une révision de la législation sur les transports dans l’UE allant dans le sens d’une meilleure protection des animaux. Le ministre français, Marc Fesneau, n’en fait pas partie.
Pour revoir le webinaire « Mettre un terme aux pires souffrances des animaux d’élevage par fortes chaleurs : le défi de l’adaptation au changement climatique », rendez-vous ICI
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