À l’occasion de la Journée internationale pour le droit des animaux, Welfarm revient sur le chemin parcouru depuis le XIXe siècle en matière de droit animalier en France, mais aussi au niveau européen.
L’histoire du droit animalier en France est marquée par une succession d’avancées législatives. Depuis la loi Grammont de 1850 jusqu’aux réformes de 2021, le cadre législatif français s’est progressivement étoffé. Mais au-delà des lois nationales, l’Union européenne (UE) joue un rôle clé dans l’harmonisation et le renforcement des normes de protection animale, notamment dans le domaine de l’élevage, du transport et de l’expérimentation animale.
Des prémices modestes : la loi Grammont de 1850
La loi Grammont, adoptée en 1850, constitue le point de départ du droit animalier en France. Interdisant les mauvais traitements infligés publiquement aux animaux domestiques, elle reflète davantage une préoccupation pour l’ordre public que pour le bien-être animal. À cette époque où les animaux sont encore juridiquement considérés comme des biens meubles, le texte vise davantage à protéger le public de la vue des mauvais traitements puisqu’il n’interdit pas les maltraitances dans la sphère privée.
Il faut attendre 1976 pour que le bien-être animal soit explicitement reconnu dans la législation française. La loi n° 76-629 relative à la protection de la nature impose aux propriétaires de respecter les besoins fondamentaux de leurs animaux.
2015 : la reconnaissance de la sensibilité animale
Un tournant majeur survient en 2015 avec la réforme du Code civil, qui reconnaît désormais les animaux comme des « êtres vivants doués de sensibilité » et rompt avec leur ancien statut de biens meubles. Cependant, cette réforme ne modifie pas en profondeur le cadre légal de la protection animale les pratiques controversées comme l’élevage intensif, la chasse ou la corrida, qui perdurent sous couvert de tradition ou d’impératifs économiques.
Le rôle central de l’Union européenne
La France, en tant qu’État membre de l’UE, doit respecter la législation européenne en matière de protection animale. En 1974, la directive 74/577/CEE encadre les procédés d’étourdissement des animaux dans les abattoirs.
Depuis, l’UE s’est imposée comme un acteur de premier plan, notamment avec des directives et règlements contraignants pour les États membres.
L’une des avancées majeures est la reconnaissance des animaux comme des êtres doués de sensibilité dans l’article 13 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, issu d’un protocole annexé au Traité d’Amsterdam de 1997.
L’UE a ensuite adopté plusieurs textes visant à limiter les pratiques les plus cruelles dans l’élevage. Parmi les avancées notables :
- la directive 1999/74/CE, qui interdit les cages non aménagées pour les poules pondeuses depuis 2012 ;
- le règlement 1/2005 sur la protection des animaux pendant le transport, qui impose des conditions strictes pour réduire leur souffrance ;
- la directive 2008/120/CE, qui fixe des normes minimales pour la protection des porcs, comme l’interdiction des cases individuelles pour les truies après leur mise-bas.
Textes lacunaires
Malgré ces avancées, des lacunes subsistent. Le transport d’animaux sur de longues distances, par exemple, reste problématique, en raison d’un contrôle insuffisant et d’interprétations variées des règles par les États membres.
La directive 2010/63/UE, transposée en droit français, encadre l’utilisation des animaux dans la recherche scientifique. Elle encourage le recours à des méthodes alternatives, tout en autorisant certaines expérimentations sous conditions strictes. Bien que des progrès aient été réalisés, l’objectif d’une réduction drastique du recours aux animaux pour la recherche est loin d’être atteint.
Engagements non tenus
En 2021, la Commission européenne s’était engagée à interdire progressivement l’élevage en cage d’ici 2027, en réponse à l’initiative citoyenne européenne « End the Cage Age », qui a recueilli plus de 1,4 million de signatures. Une mise à jour législative qui s’inscrivait dans le cadre de la stratégie « De la Ferme à la table », initiée en 2020.
Malheureusement, sur les quatre propositions initialement prévues dans la révision de la législation sur le bien-être animal, seule celle ayant trait au transport a finalement été présentée. Les propositions sur l’élevage – et donc la fin des cages –, l’abattage et l’étiquetage n’ont toujours pas été publiées, au mépris des attentes de la majorité des citoyens européens.
La proposition de révision du volet transport de la législation européenne sur le bien-être animal a pour sa part été dévoilée le 7 décembre 2023. Un texte qui présente quelques avancées mais qui doit encore faire son chemin avant d’entrer en vigueur. D’après le média spécialisé Contexte, le Parlement européen a pour objectif d’organiser un vote définitif en plénière en novembre ou en décembre 2025.
Des réformes récentes en France
Au niveau national, la loi du 30 novembre 2021, dite loi contre la maltraitance animale, reflète une volonté de moderniser le droit animalier. Ce texte interdit notamment :
- L’exploitation des animaux sauvages dans les cirques et les delphinariums, avec des délais de transition.
- L’élevage de visons pour leur fourrure.
- La vente de chiens et de chats en animalerie, accompagnée de l’obligation pour les propriétaires d’obtenir un certificat d’engagement.
Cette loi, bien que saluée, reste perfectible. Elle ne touche pas des pratiques comme l’élevage intensif ou la corrida, qui continuent d’infliger des souffrances aux animaux.
Des défis à venir
La France devra relever plusieurs défis pour s’aligner sur les ambitions européennes. L’interdiction des cages, par exemple, exigera des investissements massifs dans les infrastructures agricoles. Par ailleurs, le contrôle des transports d’animaux et le renforcement des inspections dans les abattoirs sont essentiels pour garantir le respect des normes existantes.
Enfin, une meilleure articulation entre les législations nationale et européenne pourrait permettre d’accélérer la transition vers des pratiques plus respectueuses des animaux.
Convergence des efforts
L’évolution du droit animalier montre que les avancées législatives, qu’elles soient nationales ou européennes, reposent sur une dynamique collective. Si l’UE fixe un cadre ambitieux, il revient à chaque État membre, dont la France, de traduire ces objectifs en actions concrètes.