Bien-être animal en 2023 : l’année de concrétisation des engagements manqués du gouvernement ?

Nombre d’engagements du gouvernement pour une amélioration du bien-être des animaux d’élevage n’ont pas ou faiblement été tenus au cours de l’année écoulée. La France est à la traîne sur le sujet en Europe. L’année 2023 sera-t-elle finalement celle où aboutiront les différents dossiers relatifs du bien-être animal sur lesquels le pays s’est engagé ?

31 décembre 2022 : entrée en vigueur de l’interdiction sur le broyage et le gazage des poussins mâles

Tout en saluant ce texte qui permet de mettre un terme à la pratique qui consistait à tuer 50 millions de poussins mâles chaque année en France, Welfarm demande que des mesures supplémentaires soient prises. Le sexe d’un futur poussin doit désormais être déterminé dans l’œuf grâce à une technologie d’ovosexage pour stopper le développement des embryons mâles et ainsi épargner les souffrances inutiles du broyage et du gazage. Pour permettre un processus réellement indolore, cela le sexage dans l’œuf devrait, selon l’association, se faire avant 7 jours d’incubation et non 15 jours comme il est prévu actuellement.

De plus, l’interdiction de l’élimination ne concerne pas les poussins issus de poules blanches qui, pourtant, représentait environ 15% de la filière poules pondeuses française en 2022. Or, rien ne garantit que cet équilibre perdure. Nous savons que la tendance est par exemple inverse en Allemagne.

Autre fait problématique : le texte permet toujours la mise à mort des canetons femelles. Or, dans la filière canard gras (pour produire, par exemple, le foie gras), seuls les mâles sont élevés pour être gavés. Les femelles sont donc écartées de la production et elles sont soit tuées par broyage, soit exportées, malgré le fait que des méthodes de sexage des canetons existent[1].

Transport et exportation d’animaux vivants : les annonces de 2020 sont restées lettre morte

En janvier 2020, Didier Guillaume, alors ministre de l’Agriculture, annonçait un renforcement des sanctions en cas de non-respect de la réglementation européenne sur les transports pour le premier semestre 2020. Près de trois ans plus tard, rien n’a été mis en place par ses successeurs (Julien Denormandie puis Marc Fesneau).

À la même époque, Didier Guillaume promettait d’imposer pour le transport maritime un registre et des conditions d’enregistrement des températures. Depuis, le décret se fait attendre.

Les nombreuses enquêtes de Welfarm, comme par exemple le « scandale des taurillons » en septembre dernier, prouvent pourtant qu’il est urgent d’encadrer les exportations d’animaux vivants, qui sont sources de grandes souffrances (manque d’accès en plein air, fortes densités, canicules, etc.). Welfarm appelle à leur interdiction pure et simple et attend du gouvernement une concrétisation ambitieuse des annonces de 2020.

Plan filières : la « montée en gamme » annoncée par le président en 2017 n’a pas eu lieu

Le 11 octobre 2017, le président de la République a demandé aux interprofessions d’élaborer des plans de développement et de transformation des filières agricoles et agroalimentaires avec « des objectifs de montée en gamme sur la bio, sur les signes de qualité » et des « objectifs environnementaux et sociétaux ». Si les plans par filière ont bien vu le jour, certains objectifs annoncés sont loin d’avoir été atteints. La loi EGAlim de 2018 obligeait le gouvernement à évaluer ces derniers sur le volet bien-être animal. À l’instar du dossier transport, ce rapport est toujours en attente.

La France parmi les mauvais élèves de l’Union européenne

L’Espagne a décidé en août de rendre systématiquement obligatoire la vidéosurveillance dans les abattoirs, une première en Europe. En France, les avancées sont bien maigres sur le sujet, pourtant une promesse électorale du candidat Emmanuel Macron en… 2017.

En 2022, le Luxembourg et l’Allemagne ont interdit l’exportation d’animaux vivants à destination des pays tiers. La France est loin de prendre ce chemin. En juillet, 14 ministres de l’Agriculture de l’UE ont apporté leur soutien à une révision de la législation sur les transports dans l’UE allant dans le sens d’une meilleure protection des animaux. Le ministre français, Marc Fesneau, n’en fait pas partie.

« Je prends (…) l’engagement qu’il soit interdit d’ici 2022 de vendre des œufs de poules élevées en batterie. », promettait Emmanuel Macron en 2017 alors qu’il n’était que candidat à la fonction suprême. Pourtant, alors même que l’élevage de poules en cage doit bien être interdit à l’horizon 2027 à la suite du succès de l’initiative citoyenne européenne #EndTheCageAge qui avait reçu 1,4 million de signatures, des dérogations béantes sont prévues par le gouvernement français. Le Danemark, l’Autriche et l’Allemagne, eux, ont déjà appliqué cette interdiction.

Révision de la législation européenne sur le bien-être animal en 2023 : un tournant historique ?

Dans le cadre de la stratégie « De la Ferme à la Table » de l’UE, la Commission s’est engagée à réviser la législation européenne actuelle en matière de protection animale d’ici fin 2023. L’objectif est d’améliorer la prise en compte du bien-être animal et d’élargir le champ d’application de la législation, en l’alignant sur les dernières recherches scientifiques, les priorités politiques actuelles et les attentes du public, tout en rendant la législation plus facile à appliquer.

Welfarm est bien sûr mobilisée pour que soit saisie cette opportunité historique de faire bénéficier de lois de protection spécifiques à des espèces animales qui n’en ont actuellement aucune. Une des priorités de l’association sera également de faire encadrer de manière beaucoup plus stricte le transport d’animaux vivants (par bateaux ou par bétaillères) afin que ne puissent plus se reproduire les trop nombreux cas d’abus (faim, soif, surmortalités, etc.) reconnus lors de précédentes enquêtes.


[1] https://grimaud.com/animal/lancement-du-sexage-dans-loeuf-en-canards-barbarie-et-mulard/