L’Allemagne va interdire, à compter du 1er juillet 2023, toute exportation d’animaux vivants vers des pays tiers (hors Union européenne, UE), qu’ils soient destinés à l’engraissement, l’abattage ou la reproduction. Une première en Europe. Afin d’éviter tout contournement de cette interdiction, Berlin appelle à des règles communes au sein de l’UE.
Une interdiction totale, quel que soit le type d’exportation
C’est par un communiqué de presse diffusé le 28 octobre que le ministère fédéral de l’Alimentation et de l’Agriculture allemand (BMEL) a annoncé la bonne nouvelle.
À compter du 1er juillet 2023, aucun certificat vétérinaire allemand ne sera délivré pour les exportations vers les pays tiers de bovins, ovins et caprins destinés à la reproduction. En lieu et place de ces exportations, l’accent sera mis sur le transport de matériel génétique. Le BMEL prévoit ainsi d’échanger avec les pays tiers sur les exportations de semences de bovins. Transporter des semences plutôt que des animaux vivants évitera bien des souffrances.
L’Allemagne n’exportant déjà plus d’animaux destinés à l’engraissement et l’abattage vers des pays tiers, l’interdiction d’une telle pratique pour les animaux destinés à la reproduction aboutit donc à mettre fin à toute exportation à destination de pays hors UE.
Pour justifier cette mesure, le ministre allemand de l’Agriculture, Cem Özdemir, cité dans le communiqué du gouvernement, déclare : « Nous ne pouvons plus laisser des animaux souffrir ou mourir après avoir agonisé lors des transports de longue durée. C’est pourquoi nous avons décidé de limiter autant que possible les transports d’animaux au départ de l’Allemagne et à destination des pays situés en dehors de l’UE. »
En 2020, l’Allemagne était le 6e plus gros exportateur de bovins au monde (avec en destinations principales les Pays-Bas, la Russie, l’Italie, le Maroc et l’Algérie)1.
Une uniformisation à l’échelle de l’Union européenne est indispensable
Mais pour mettre fin aux souffrances inutiles infligées aux animaux lors de ces exportations, le ministre allemand est parfaitement conscient que des règles communes à l’échelle européenne sont indispensables.
« Pour s’assurer que ces mesures de restriction au niveau national ne puissent être contournées, nous avons urgemment besoin de règles communes en Europe », explique Cem Özdemir. « Aucun animal ne sera pleinement protégé si nos mesures d’interdiction nationales viennent à être contournées via un premier envoi d’animaux dans un autre État membre chargé ensuite de les exporter vers les pays tiers de l’UE. La Commission européenne doit agir maintenant rapidement. »
L’Allemagne à l’avant-garde, la France traîne des pieds
La volonté de l’Allemagne de mieux protéger les animaux ne s’arrête pas uniquement aux exportations mais concerne la question du transport en général, qu’il soit national ou international.
En amont d’un Conseil européen des ministres de l’Agriculture le 18 juillet dernier, cinq pays, dont l’Allemagne, avaient plaidé pour une législation sur les transports plus protectrice des animaux d’élevage. Neuf pays ont par la suite rejoint cet appel.
Si les propositions en question sont encore insuffisantes et trop parcellaires, elles sont indéniablement synonymes de progrès. C’est la raison qui a poussé Welfarm à envoyer un courrier au ministre français de l’Agriculture, Marc Fesneau, le 13 juillet dernier afin qu’il apporte son soutien à cette révision. En vain. Ce manque de soutien de la France est plus que regrettable. À une révision en profondeur des procédures, Marc Fesneau a déclaré préférer une simple « harmonisation » et une « précision des exigences », en particulier sur le dossier des exportations d’animaux à destination des pays tiers.
Welfarm et d’autres ONG ont pourtant prouvé, enquêtes à l’appui, que ces exportations, notamment au départ du port français de Sète, sont à l’origine des pires souffrances subies par les animaux d’élevage.
Étiquetage, vidéosurveillance… la France n’est jamais dans le bon wagon
Les dossiers des transports et des exportations d’animaux vivants ne sont pas les seuls sur lequel la France affiche un retard par rapport à ses voisins européens en termes de protection animale.
L’Allemagne a par exemple annoncé cet été un étiquetage obligatoire du mode d’élevage qui doit entrer en vigueur en 2023. Il ne sera ni un label, ni un signe de qualité, mais une information obligatoire à destination du consommateur.
En France, à la suite des travaux conduits au cours des États généraux de l’Alimentation tenus en 2017, le Conseil national de l’Alimentation (CNA)2 a été saisi par le gouvernement pour définir les modalités de mise en œuvre d’une expérimentation de l’étiquetage du mode d’élevage. Hélas, depuis que le CNA a rendu son avis, rien n’a été mis en œuvre sur le terrain. En l’absence de consensus parmi les parties prenantes, le gouvernement français semble ne pas vouloir pousser l’exercice jusqu’à son terme.
Dans un autre dossier, la vidéosurveillance obligatoire dans les abattoirs, la France est également dépassée par ses voisins. En août, l’Espagne a décidé de la rendre systématique, une première en Europe. Malheureusement, la France est encore très loin d’adopter une telle réglementation. Si Marc Fesneau, lors d’une visite à Madrid, a pu constater le retard français, ce constat ne semble en rien pousser le ministre à accélérer sur le sujet. « On a besoin de contrôler ꟷ ce qu’on fait au ministère de l’Agriculture et dans les services ꟷ et contrôler toujours plus, de moderniser les outils (…) et d’avancer sur ces questions de vidéo dans les abattoirs », a-t-il temporisé, évoquant même « une demande qui monte de la part des salariés ». Selon lui, certains d’entre eux « n’osent même plus dire qu’ils travaillent dans des abattoirs ». Mais le ministre a mis en garde : « Ce n’est pas de la vidéosurveillance, au sens où on ne vient pas surveiller les gens », car « personne n’accepterait dans son travail d’être surveillé ». « Dès lors que c’est le produit d’un dialogue, moi j’y suis favorable », a-t-il conclu.
1 Source : OEC World
2 Le Conseil national de l’Alimentation (CNA) est une instance consultative française placée auprès des ministres de l’Environnement, de l’Agriculture, de la Santé et de la Consommation. Il débat et formule des propositions liées à la politique de l’alimentation, notamment le Programme national pour l’alimentation.